Dix jours après la signature de la déclaration de principes entre le gouvernement congolais et l’Alliance Fleuve Congo/Mouvement du 23 mars (AFC/M23), l’accord censé ouvrir la voie à un cessez-le-feu effectif le 29 juillet reste lettre morte. Malgré les engagements pris lors des négociations, aucune des mesures concrètes prévues n’a été mise en œuvre, témoignant des difficultés persistantes à traduire les accords diplomatiques en réalités sur le terrain dans l’est de la République démocratique du Congo.
Les violations du cessez-le-feu se multiplient, chaque camp rejetant la responsabilité des hostilités sur l’adversaire. Plus préoccupant encore, le mécanisme conjoint de surveillance et de vérification, pierre angulaire de l’accord, demeure au point mort. Les propositions de l’AFC/M23 pour établir une zone tampon ont été catégoriquement refusées par Kinshasa, tandis qu’un repli mutuel de quelques kilomètres n’a pas davantage trouvé de consensus. Même la Mission de l’ONU en RDC (Monusco), qui devait déployer ses moyens aériens et ses drones pour superviser l’application du cessez-le-feu, reste dans l’expectative.
Cette impasse s’inscrit dans un cycle récurrent d’échecs des initiatives de paix dans l’est de la RDC, région en proie à l’instabilité depuis plus de deux décennies. Le M23, mouvement rebelle tutsi soutenu par le Rwanda selon Kinshasa, contrôle depuis 2022 de vastes territoires du Nord-Kivu, notamment autour de Goma. Les précédentes tentatives de règlement, notamment les accords d’Addis-Abeba de 2013, avaient déjà achoppé sur les mêmes écueils : méfiance mutuelle, absence de mécanismes de contrôle crédibles et instrumentalisation des processus de paix par les différents protagonistes.
L’avenir du processus dépend désormais de la capacité des médiateurs à maintenir la pression sur les belligérants avant l’échéance cruciale du 8 août, date prévue pour le début des discussions directes en vue d’un accord définitif. L’enjeu est de taille : éviter un retour à l’escalade militaire qui compromettrait définitivement cette fenêtre de dialogue. Cependant, sans gestes concrets dans les prochains jours, notamment sur la libération des prisonniers et la mise en place du mécanisme de vérification, les chances de voir aboutir ces négociations s’amenuisent considérablement.
La question des prisonniers illustre parfaitement la complexité des enjeux. L’AFC/M23 a remis aux médiateurs une liste de plus de 780 détenus à libérer, incluant une vingtaine de proches de Corneille Nangaa, coordinateur du mouvement et ancien président de la Commission électorale congolaise. Le groupe conditionne explicitement son retour à la table des négociations à ces libérations. Face à cette exigence, Kinshasa temporise, préférant traiter ces dossiers “au cas par cas” dans le cadre des discussions sur l’accord final, une position qui révèle la profonde méfiance entre les parties.
Au-delà des aspects purement bilatéraux, cet enlisement reflète les tensions géopolitiques régionales où s’affrontent les intérêts du Rwanda, de l’Ouganda et de la RDC. Les médiateurs, malgré leur détermination affichée, peinent à surmonter les calculs stratégiques de chaque protagoniste, rendant hypothétique toute percée significative sans un engagement plus ferme de la communauté internationale et des puissances régionales dans la recherche d’une solution durable.