Cinq sous-officiers de la gendarmerie ivoirienne, arrêtés le 21 juin 2025 par des Volontaires pour la défense de la patrie (VDP) burkinabè à la frontière entre les deux pays, ont été remis en liberté et sont rentrés à Abidjan. Leur interpellation, survenue alors qu’ils patrouillaient dans la zone d’orpaillage de Kalamon, avait suscité une vive réaction du gouvernement ivoirien, dénonçant une « violation manifeste de sa souveraineté ».
Les gendarmes ivoiriens ont été arrêtés alors qu’ils menaient une opération de routine dans une zone connue pour ses activités d’orpaillage illégal, à seulement deux kilomètres de la frontière. Selon les autorités ivoiriennes, ils ont été conduits sur le territoire burkinabè puis transférés à Ouagadougou. Cette action unilatérale des VDP – des supplétifs civils armés opérant aux côtés des forces régulières burkinabè – a été perçue comme une provocation et un dangereux précédent sécuritaire.
Ce nouvel incident s’inscrit dans un contexte régional déjà tendu. Depuis plusieurs années, la zone frontalière entre Doropo et le sud du Burkina Faso est devenue un foyer d’instabilité, nourri par les trafics, le terrorisme et l’exploitation minière illégale. L’arrestation de gendarmes ivoiriens n’est pas une première : deux agents avaient déjà été détenus en 2023 par les autorités burkinabè dans des circonstances similaires, avant d’être libérés grâce à une médiation du président togolais Faure Gnassingbé.
L’arrestation des cinq gendarmes a ravivé les tensions entre Abidjan et Ouagadougou, dont les relations se sont considérablement détériorées depuis l’arrivée au pouvoir du capitaine Ibrahim Traoré. La Côte d’Ivoire, déjà fragilisée par l’afflux de plus de 80 000 réfugiés burkinabè fuyant les violences jihadistes, craint une extension de l’instabilité venue du nord. La question de la coordination transfrontalière en matière de sécurité devient cruciale, notamment face à la montée en puissance des groupes armés non étatiques.
Créés pour épauler l’armée burkinabè dans sa lutte contre les groupes jihadistes, les VDP échappent souvent à tout contrôle. Leur intervention hors de leur territoire national, comme dans l’affaire de Kalamon, illustre les dérives possibles de ces forces supplétives. Abidjan, qui coopère avec les pays voisins dans le cadre de l’Initiative d’Accra, s’inquiète de voir ces milices armées interférer dans ses propres dispositifs sécuritaires, en marge des conventions militaires régionales.
L’affaire des gendarmes ivoiriens souligne une réalité plus large : l’effritement de l’autorité étatique dans les zones frontalières, où se superposent intérêts économiques illicites, insécurité chronique et stratégies militaires non coordonnées. Tant que les États de la région n’auront pas mis en place des mécanismes clairs de coopération transfrontalière, ce type d’incident risque de se répéter, alimentant les méfiances et les tensions interétatiques.