L’Afrique est confrontée à une progression alarmante de la consommation de drogues, alors que les trafics se diversifient et que de nouvelles substances plus dangereuses émergent. C’est le constat dressé par le Rapport mondial sur les drogues 2025 de l’Office des Nations Unies contre la drogue et le crime (ONUDC), publié le 26 juin. Le cannabis, le tramadol, la cocaïne et des opioïdes de synthèse comme les nitazènes gagnent du terrain sur le continent, avec des conséquences sanitaires et sociales de plus en plus préoccupantes.
Selon l’ONUDC, le taux d’usage du cannabis en Afrique de l’Ouest, du Centre et en Afrique australe est deux fois supérieur à la moyenne mondiale, touchant environ 10 % des adultes. Le continent représente désormais 44 % des saisies mondiales de cette substance. Le tramadol, opioïde détourné de son usage médical, reste omniprésent, surtout en Afrique de l’Ouest et du Nord. Quant à la cocaïne, les traitements pour addiction sont en nette hausse, principalement en Afrique de l’Ouest, qui sert de point de transit majeur vers l’Europe. Le rapport souligne aussi la montée inquiétante de nouveaux produits synthétiques comme le « kush », un cocktail instable et dangereux circulant surtout en Afrique de l’Ouest.
Cette aggravation s’inscrit dans une tendance mondiale plus large : diversification des produits, explosion de la production de cocaïne (plus de 3 600 tonnes en 2023), et circulation croissante de stimulants de type amphétamine. L’Afrique, longtemps considérée comme simple zone de transit, est désormais à la fois consommatrice et plaque tournante. L’Afrique de l’Est devient un corridor pour l’héroïne venue d’Asie, tandis que les saisies de drogues de synthèse explosent dans le sud du continent. Parallèlement, les infrastructures sanitaires et les politiques de réduction des risques demeurent largement insuffisantes.
L’ONUDC alerte sur une expansion continue des marchés africains, alimentée par la faiblesse des dispositifs de contrôle, la corruption et l’absence de régulation pharmaceutique efficace. Le fossé entre les capacités des États à répondre à la crise et l’ampleur du phénomène s’élargit. L’absence d’accès aux antidouleurs pour les soins palliatifs – seulement 7 doses par million d’habitants par jour en Afrique de l’Ouest et du Centre – illustre à quel point les systèmes de santé restent désarmés.
1,33 million de personnes s’injectent des drogues en Afrique, dont plus de 200 000 vivent avec le VIH. La prévalence est la plus forte en Afrique australe, où plus de 43 % des injecteurs sont séropositifs. Le déséquilibre hommes-femmes dans l’usage du cannabis est également frappant : une femme pour neuf hommes. Et dans la majorité des cas, ce sont des jeunes de moins de 35 ans qui sont concernés, souvent livrés à eux-mêmes, sans accompagnement ni structures de soins adaptées.
Derrière ces chiffres, ce sont aussi des trajectoires individuelles fracassées, des systèmes de santé débordés et des États vulnérables à la pénétration de réseaux criminels. Le marché des drogues devient un facteur de déstabilisation régionale, comme le montrent les flux croissants entre le Sahel, le Golfe de Guinée et l’Europe. Dans ce contexte, la lutte contre la drogue ne peut plus se limiter à la répression : elle exige des politiques de santé publique cohérentes, des mécanismes de régulation pharmaceutique, et un engagement politique fort. Faute de quoi, l’Afrique continuera de payer un lourd tribut à une crise mondiale qui ne fait que s’amplifier.