La Commission électorale indépendante (CEI) a publié, dans la nuit du 3 au 4 juin, la liste électorale définitive pour l’élection présidentielle d’octobre 2025. Le nom de Tidjane Thiam, président du Parti démocratique de Côte d’Ivoire (PDCI), n’y figure pas. Celui de Laurent Gbagbo non plus. Pas plus que ceux de Guillaume Soro ou de Charles Blé Goudé. Les quatre hommes sont désormais définitivement exclus de la course, après validation par la CEI de décisions de justice les rendant inéligibles.
Pour Tidjane Thiam, c’est sa double nationalité qui a été décisive. Ancien directeur du Crédit suisse, il avait acquis la nationalité française en 1987. Or, selon le code de la nationalité ivoirienne, toute personne majeure perd sa citoyenneté dès lors qu’elle en adopte une autre de manière volontaire. Thiam a été libéré de sa nationalité française en mars 2025, mais trop tard : la dernière révision de la liste électorale datait de novembre 2024. Fin avril, la justice ivoirienne a tranché : il n’était pas Ivoirien au moment de son enrôlement en 2022. Cette décision, non susceptible d’appel, s’impose à la CEI.
L’exclusion de ces figures majeures intervient dans un climat politique tendu, à l’approche d’un scrutin décisif pour l’après-Ouattara. Le président ivoirien, qui entame la dernière ligne droite de son mandat, voit une opposition affaiblie par des sanctions judiciaires. Laurent Gbagbo, condamné dans une affaire de détournement de fonds publics, Guillaume Soro, visé par un mandat d’arrêt, et Charles Blé Goudé, également condamné, ont été tous trois radiés en raison de leurs casiers judiciaires. Le processus électoral s’ouvre donc avec un terrain politique largement déséquilibré.
Face à cette exclusion massive, les réactions ne se sont pas fait attendre. Le PDCI a dénoncé une manœuvre politique visant à neutraliser ses candidats. Tidjane Thiam, qui séjourne en Europe depuis deux mois, a qualifié sa radiation d’« élimination politique » et annoncé son intention de saisir le Comité des droits de l’homme de l’ONU. Il affirme que ses droits civils et politiques ont été bafoués, et appelle à des élections « libres, équitables et inclusives ». Le boycott d’une plénière du Sénat par les élus PDCI vient appuyer ce refus de cautionner un processus jugé biaisé.
Du côté du pouvoir, le ton est à la défense institutionnelle. Le RHDP rejette toute responsabilité, affirmant que la radiation de ces candidats découle exclusivement de décisions de justice. « Ce n’est pas le président Ouattara qui a demandé le retrait de Thiam ou Gbagbo », insistent ses porte-paroles. Pour eux, les partis d’opposition restent libres de désigner d’autres candidats. Une manière d’inciter ces derniers à se réorganiser plutôt que de contester les règles du jeu.
La présidentielle d’octobre 2025 s’annonce sous haute tension. L’exclusion de quatre figures de poids prive l’électorat d’un véritable choix pluraliste et alimente les critiques sur la dérive démocratique du régime. Si les institutions juridiques et électorales semblent agir dans le cadre des textes, c’est la légitimité politique de l’élection qui pourrait être compromise. La société civile et plusieurs partenaires internationaux suivent la situation de près, inquiets d’un glissement vers une élection verrouillée.