La Côte d’Ivoire a officiellement dévoilé une feuille de route ambitieuse visant à devenir le premier producteur d’or du continent africain. Cette stratégie, dotée d’un budget colossal, entend transformer radicalement le secteur minier national et bousculer la hiérarchie actuelle dominée par le Ghana.
L’ambition se concrétise par la Politique Intégrée des Ressources Minérales et de l’Énergie (PIRME), présentée en Conseil des ministres. Ce plan quinquennal nécessitera un investissement global estimé à 38 000 milliards de francs CFA (environ 67 milliards de dollars). Près d’un tiers de ce montant, soit 11 400 milliards de FCFA, sera spécifiquement dédié au développement du secteur minier d’ici 2040. Les financements proviendront d’un mélange de capitaux publics et privés, bien que leur répartition précise reste à préciser.
Cette initiative s’inscrit dans une dynamique de croissance exponentielle mais part d’une position modeste. La production aurifère ivoirienne a certes presque triplé en une décennie, passant d’environ 20 tonnes en 2014 à 58 tonnes en 2024. Néanmoins, cela place le pays au septième rang continental, loin derrière le leader ghanéen (environ 150 tonnes) et ses voisins maliens et burkinabè. Le contexte régional est par ailleurs marqué par une montée du nationalisme des ressources au Sahel, contrastant avec la stratégie ivoirienne axée sur l’attraction d’investisseurs étrangers.
Pour atteindre son objectif, Abidjan devra plus que tripler sa production actuelle. Cette course s’annonce serrée, car les concurrents historiques ne sont pas inactifs. Le Ghana, par exemple, envisage des mesures fiscales pour stimuler l’exploration. La réussite ivoirienne reposera sur sa capacité à maintenir un rythme soutenu de mises en production de nouveaux projets industriels, comme Doropo ou Assafou, et à continuer d’attirer les capitaux pour l’exploration dans un environnement concurrentiel.
L’un des atouts majeurs de la Côte d’Ivoire réside dans sa réputation de pays accueillant pour les investisseurs miniers. Les autorités mettent en avant un délai de moins de cinq ans entre la découverte d’un gisement et la mise en production, un avantage déterminant. Cette stabilité et cette prévisibilité sont saluées par l’industrie dans une sous-région parfois volatile. Des dirigeants de sociétés minières n’hésitent pas à qualifier le pays de “meilleur endroit au monde” pour développer une mine d’or, un argument de poids face à la concurrence.
Le défi ne se limite pas à l’industrie à grande échelle. Un levier de croissance significatif, mais complexe, réside dans la formalisation de l’orpaillage artisanal et à petite échelle. Selon les estimations de l’ONG SWISSAID, entre 30 et 40 tonnes d’or par an échapperaient au circuit officiel en Côte d’Ivoire. Intégrer ne serait-ce qu’une partie de cette production non déclarée dans les statistiques nationales changerait immédiatement la donne et rapprocherait le pays de ses objectifs, tout en posant des défis majeurs de régulation, de traçabilité et de développement social.
La bataille pour la première place africaine dépasse ainsi le simple volume extractif. Elle oppose deux modèles : celui, établi, du Ghana qui cherche à optimiser sa production historique, et celui, ascendant, de la Côte d’Ivoire qui parie sur une combinaison d’investissements massifs, d’efficacité administrative et d’intégration de son secteur informel. La PIRME, avec son volet énergétique intégré, témoigne d’une approche systémique. Son succès ou son échec redéfinira non seulement la carte minière ouest-africaine, mais servira aussi de cas d’école pour les politiques de développement des ressources en Afrique.



