La Cour pénale internationale (CPI) a condamné, mardi 9 décembre 2025, le chef de milice soudanais Ali Mohamed Ali Abd-Al-Rahman, dit Ali Kushayb, à vingt ans d’emprisonnement. Reconnu coupable de crimes contre l’humanité et de crimes de guerre, il est le premier chef de guerre soudanais à être condamné par la juridiction internationale pour les atrocités commises au Darfour.
Ali Kushayb a été reconnu coupable en octobre 2025 d’une série de crimes atroces – meurtres, viols et tortures – perpétrés entre 2003 et 2004 dans la région du Darfour. Bien que le procureur de la CPI ait requis la réclusion à perpétuité, les juges ont prononcé une peine de vingt ans. La durée effective de sa détention sera réduite du temps déjà passé en détention provisoire depuis sa reddition en juin 2020. À sa libération, l’ancien commandant janjawid aura 87 ans.
Cette condamnation s’inscrit dans le dossier du Darfour, ouvert en 2005 par la CPI après un renvoi du Conseil de sécurité des Nations unies. Le conflit, qui a éclaté en 2003, a opposé les forces gouvernementales de Khartoum et leurs supplétifs miliciens, les Janjawids, à des groupes rebelles. Il a fait au moins 300 000 morts et déplacé plus de 2,5 millions de personnes, selon l’ONU. La CPI a inculpé plusieurs hauts responsables soudanais, dont l’ancien président Omar el-Béchir, toujours en fuite ou évincé des procédures. La procédure contre Kushayb est donc la première à aboutir à un verdict.
Cette décision historique ouvre désormais la phase des réparations pour les victimes. La Chambre de la CPI devra déterminer l’étendue et la forme de ces réparations. Par ailleurs, le verdict crée un précédent juridique important, renforçant la narration selon laquelle les violences au Darfour constituaient une campagne délibérée orchestrée par le pouvoir de l’époque, et non un simple conflit intercommunautaire. Cette condamnation pourrait exercer une pression accrue pour que d’autres suspects, toujours libres, soient traduits en justice.
La présidente de la Chambre, la juge Joanna Korner, a souligné la portée symbolique du verdict. Elle a affirmé qu’il reconnaissait officiellement que les populations du Darfour avaient été victimes d’une campagne systématique menée sous l’autorité de l’État soudanais et exécutée par les milices Janjawids, dirigées localement par Ali Kushayb. Cette qualification juridique contredit la version minimisante longtemps défendue par Khartoum.
Pour les communautés du Darfour, bien que la peine soit perçue comme clémente au regard des crimes, la condamnation représente une première forme de justice et une validation de leur souffrance. Elle intervient dans un Soudan toujours en crise, où une transition politique fragile peine à apporter paix et justice aux régions périphériques.
Malgré ce verdict, la quête de justice pour le Darfour reste largement incomplète. Les principaux accusés, Omar el-Béchir, décédé en 2024, et ses anciens ministres Ahmad Harun et Abdelrahim Mohamed Hussein, n’ont pas été jugés par la CPI. La compétence de la Cour reste limitée aux crimes commis jusqu’en 2008, laissant impunies les violences postérieures. L’efficacité de la justice internationale continue ainsi de se heurter aux réalités politiques et aux limites de son mandat.



