Le Kenya a annoncé, en fin de semaine, qu’il allait rapatrier 600 soldats somaliens qui ont fui vers son territoire après une défaite militaire cuisante infligée par les forces de l’État semi-autonome du Jubaland. Ces soldats, ayant trouvé refuge au poste-frontalier d’Ishiakani, ont confié leurs armes aux autorités kényanes. Cet incident survient alors que la tension entre Mogadiscio et Kismayo, la capitale du Jubaland, atteint des niveaux critiques. La situation illustre un nouvel échec militaire pour l’armée somalienne, déjà fragilisée par des divisions internes.
La défaite a eu lieu à Ras Kamboni, sur la côte du Jubaland, où les troupes somaliennes ont été mises en déroute par les forces de cet État semi-autonome. Ce revers survient dans un contexte de tensions croissantes entre le gouvernement central de Mogadiscio et les autorités du Jubaland. Ce dernier a récemment réélu son président dans un scrutin que le gouvernement fédéral considère comme illégal et séditionnaire. La victoire des forces du Jubaland à Ras Kamboni a exposé la vulnérabilité de l’armée somalienne, d’autant que de nombreux soldats ont abandonné leur équipement en fuyant.
Cette défaite militaire s’inscrit dans un contexte politique complexe. Le Jubaland, bien qu’étant un État semi-autonome, jouit d’une autonomie qui le place souvent en opposition avec le gouvernement fédéral somalien. Ce dernier a toujours contesté l’élection de son président, qualifiant ce mode de scrutin de non conforme à la constitution du pays. La tension entre les deux régions a atteint son paroxysme avec l’attaque de Ras Kamboni, chaque camp s’accusant mutuellement de déclencher les hostilités. Cette fracture politique a des conséquences militaires directes, fragilisant l’unité de l’armée somalienne.
À court terme, ce revers risque d’aggraver la situation de l’armée somalienne, déjà confrontée à de multiples défis internes. La fuite de centaines de soldats pourrait encourager les Shebabs, qui poursuivent leurs attaques contre le gouvernement central, à intensifier leurs offensives. De plus, le mandat de la mission de maintien de la paix de l’Union africaine (ATMIS) touche à sa fin dans trois semaines, ce qui soulève des inquiétudes sur l’avenir de la sécurité dans la région. Les partenaires internationaux de la Somalie pourraient revoir leur engagement face à ces nouvelles difficultés.
Le retrait des troupes somaliennes pourrait avoir des répercussions au-delà des frontières de la Somalie. Le Kenya, en accueillant ces soldats, prend un risque stratégique en raison des tensions déjà présentes entre les deux pays voisins, notamment à cause de la guerre contre les Shebabs. Cette situation pourrait entraîner une réévaluation de la coopération régionale en matière de sécurité, particulièrement dans le cadre des opérations conjointes menées par les États de la région contre les groupes terroristes.
Les experts en sécurité, comme Rashid Abdi de Sahan Research, expriment leur inquiétude face à cette fragilisation de l’armée somalienne. Ils soulignent que la fuite de forces d’élite formées par les Turcs, en laissant derrière elles des équipements sophistiqués, pourrait avoir des conséquences négatives sur la stabilité du pays. De plus, la montée des tensions internes pourrait offrir de nouvelles opportunités aux Shebabs, qui profitent déjà du climat d’instabilité pour étendre leur influence et mener des attaques. L’avenir de la Somalie semble incertain, et les défis pour le gouvernement central sont de plus en plus pressants.