Alors que les États-Unis et l’Union européenne ont conclu un accord pour fournir à l’Ukraine des systèmes d’armement américains financés par l’Europe, quatre États membres – la France, l’Italie, la République tchèque et la Hongrie – ont choisi de ne pas participer à cette initiative. Un refus qui met en lumière des divergences stratégiques persistantes au sein de l’UE face à la guerre en Ukraine.
Paris, par la voix d’Emmanuel Macron, affirme sa volonté de renforcer l’autonomie stratégique européenne en matière de défense. Pour le président français, il est impératif de soutenir l’industrie d’armement du continent plutôt que de dépendre des livraisons américaines. Rome, de son côté, invoque une contrainte budgétaire : l’Italie ne dispose pas des fonds nécessaires, selon le quotidien La Stampa. À Prague, le gouvernement préfère concentrer ses efforts sur d’autres canaux de soutien militaire à Kiev, notamment une initiative européenne sur les munitions. Quant à Budapest, le rejet est frontal : le chef de la diplomatie hongroise, Peter Szijjarto, a clairement annoncé que son pays ne financerait pas de telles livraisons.
Cette vague de refus survient dans un contexte tendu entre les deux rives de l’Atlantique. Le 14 juillet, Donald Trump, en campagne pour la présidentielle américaine, a annoncé que les États-Unis continueraient à armer l’Ukraine, mais à condition que l’Europe en assume désormais les coûts, notamment pour l’envoi de batteries Patriot. Cette condition, perçue comme un transfert de charge plutôt qu’un véritable effort conjoint, a ravivé les débats sur la dépendance militaire de l’UE vis-à-vis de Washington.
Ces désaccords révèlent l’absence de stratégie militaire cohérente à l’échelle européenne. Si certains États membres – notamment en Europe de l’Est – continuent de plaider pour un soutien sans condition à Kiev, d’autres appellent à redéfinir les modalités d’un tel soutien. L’Union européenne, bien qu’unie sur le principe de l’aide à l’Ukraine, reste divisée sur les moyens. La volonté affichée par la France de « consommer européen » dans le domaine de la défense s’oppose ainsi à la logique d’un achat massif d’équipements américains, imposé de fait par le partenariat avec l’OTAN.
L’initiative américaine remet en lumière la lenteur de la construction d’une autonomie stratégique européenne. Si la guerre en Ukraine a accéléré la réflexion sur les capacités militaires du continent, elle n’a pas permis d’aboutir à une vision partagée. L’épisode actuel renforce le constat d’une Europe à plusieurs vitesses en matière de défense : entre ceux qui plaident pour une industrialisation militaire européenne, ceux qui suivent la ligne atlantiste sans réserve, et ceux qui freinent pour des raisons économiques ou idéologiques.