Un désastre irréversible pour le centre-ville historique de Benghazi
Depuis le début du mois de mars, le centre-ville historique de Benghazi, ville située à l’est de la Libye, est en train d’être entièrement détruit pour permettre la reconstruction de la région. Ce lieu empreint d’histoire, qui remonte jusqu’à l’époque grecque du VIe siècle avant notre ère, avait déjà subi des dommages lors des conflits de 2014. Des témoins affirment que la brigade Tarek Ben Ziad, dirigée par Saddam Khalifa Haftar, fils de l’influent chef de l’Est, est responsable de cette opération destructrice. Malgré les appels des ONG et de la société civile à mettre fin à cette destruction, les autorités sont restées silencieuses.
Un centre-ville rayé de la carte et un patrimoine historique anéanti
Les photos satellite témoignent de l’ampleur de la catastrophe : le centre-ville est rasé, il ne reste rien. Les anciens marchés, datant du début du XIXe siècle, les bâtiments historiques ottomans et italiens, tels que le théâtre Berenice inauguré en 1928, ou encore la banque nationale, ont complètement disparu. Selon les militants, cette destruction vise à effacer la mémoire collective et l’identité culturelle de la ville, voire à en tuer l’âme. Des entreprises liées à l’armée nationale libyenne s’occupent de vider le centre-ville de ses habitants, sans même informer les propriétaires qui n’y résident pas de la destruction de leurs domiciles.
Des violations des droits et une impunité choquantes
Zahra’ Langhi, membre de l’ONG Plateforme des femmes libyennes pour la paix, exprime une vive inquiétude face à cette destruction des bâtiments endommagés durant la guerre, qualifiant cela d’atteinte flagrante et de crime contre l’héritage culturel. Ce qui surprend davantage, ce sont les ordres donnés aux habitants du centre-ville de quitter leurs logements en seulement 36 ou 48 heures, entraînant des expulsions forcées. Les habitations sont ensuite détruites dans une totale opacité, violant ainsi les droits économiques, sociaux et culturels des habitants de Benghazi. Par ailleurs, la majorité des bâtiments déjà détruits étaient pourtant protégés par la loi numéro trois de l’année 1995, qui vise à sauvegarder les bâtiments historiques et le patrimoine culturel des lieux historiques.
Appels sans succès et peur des représailles
Malgré les nombreux appels lancés par l’autorité des vestiges historiques à Benghazi aux autorités militaires, politiques et sociales de l’est libyen pour mettre fin à ces destructions, aucune mesure n’a été prise. Au contraire, au moins deux personnes ayant dénoncé ces actes ont été arrêtées par l’armée nationale libyenne, ce qui suscite la crainte chez les spécialistes de témoigner par peur de représailles. Outre la destruction du centre-ville, le site antique grec d’Hespérides, datant de 515 avant J.-C., est également touché. Il avait déjà été endommagé lors des affrontements de 2014 entre les islamistes et les forces de Khalifa Haftar. Ghalb Elfituri, un architecte vivant au Canada, souligne l’importance historique de ce site qui représente un patrimoine précieux, préservé de l’influence d’autres civilisations, permettant des fouilles facilitées et fournissant des informations précises sur l’époque où il était habité.