La République centrafricaine a franchi une étape majeure en matière de droits des femmes. Fin juillet, Bangui est devenue le 46e État africain à ratifier le Protocole de Maputo, un texte adopté en 2003 par l’Union africaine qui reste l’un des plus ambitieux au monde pour la protection des femmes. L’annonce a été confirmée le 26 août par plusieurs ONG qui militent depuis des années pour son adoption.
Le Protocole interdit les mutilations génitales féminines, fixe l’âge minimum du mariage à 18 ans et reconnaît le droit à un avortement médicalisé dans des cas précis tels que le viol, l’inceste ou le danger pour la santé de la mère. Pour Gicuku Karugu, responsable de programme à l’ONG Equality Now, ce traité est « unique parce qu’il a été élaboré par des Africains, pour des Africains ». Il associe le respect des identités culturelles à une protection contre les pratiques jugées néfastes pour les femmes.
Cette ratification représente un levier juridique important pour les femmes centrafricaines. Elle leur offre désormais la possibilité de revendiquer leurs droits devant les tribunaux nationaux, mais aussi de saisir la Commission africaine des droits de l’homme en dernier recours. Dans un pays marqué par l’instabilité et des violences répétées, disposer d’un instrument juridique clair constitue un atout essentiel pour les mouvements féministes et les associations de défense des droits humains.
La ratification ne constitue toutefois qu’une première étape. Le défi réside désormais dans l’application concrète de ces dispositions. Cela suppose des réformes législatives, la formation des magistrats, mais aussi des campagnes de sensibilisation pour modifier des pratiques sociales encore profondément ancrées. L’expérience d’autres pays montre que le chemin entre l’adoption du texte et son application effective peut être long et semé d’embûches.
Pour Maître Yveline Ntanfai, avocate camerounaise et présidente du WCIC, le Protocole de Maputo est « le seul instrument actuel qui prend en compte les problèmes spécifiques aux femmes africaines ». Elle souligne que le texte va au-delà de la simple interdiction des violences, puisqu’il intègre des dimensions culturelles comme la lutte contre les rites de veuvage humiliants. Sa portée dépasse donc le cadre juridique pour toucher directement aux réalités sociales et coutumières des sociétés africaines.
Les associations locales de défense des droits des femmes saluent ce tournant historique, tout en rappelant la nécessité d’une vigilance constante. Dans un pays fragilisé par des conflits récurrents et une gouvernance instable, l’écart entre le droit et la réalité demeure considérable. Mais pour beaucoup, cette ratification ouvre enfin la voie à une bataille juridique légitime qui pourrait transformer, à terme, le quotidien des femmes centrafricaines.