Le 28 mai 2025, Ecobank Transnational Incorporated (ETI) a obtenu le feu vert de ses actionnaires pour lever 250 millions de dollars sous forme de capital hybride Tier 1. Cette décision, prise alors que le groupe a dégagé un bénéfice net record de 494 millions $ en 2024 et choisi de ne pas le distribuer, vise à renforcer ses ratios de solvabilité et à préparer le groupe à faire face à un durcissement réglementaire.
L’opération ne diluera pas immédiatement l’actionnariat, mais la conversion des titres en actions pourrait être imposée en cas de détérioration des ratios de solvabilité. C’est une approche défensive et préventive, notamment face aux risques pesant sur les filiales du groupe dans des environnements macroéconomiques instables, comme au Nigeria ou au Zimbabwe. La levée s’appuiera sur 100 investisseurs prioritaires avant d’être élargie, une manière de contrôler l’entrée de nouveaux actionnaires tout en consolidant les fonds propres.
Derrière les résultats solides affichés (un ROTE record de 32,7 % et un capital CET1 supérieur aux exigences), plusieurs signaux de prudence apparaissent. La filiale nigériane d’Ecobank n’a versé aucun dividende depuis cinq ans, et près de 9 % des prêts performants du groupe sont placés sous surveillance étroite. De plus, Ecobank traîne un report à nouveau négatif de 1,56 milliard $ hérité de pertes passées et subit des effets de change défavorables. Ces éléments justifient le choix d’un instrument hybride plutôt qu’un financement ordinaire.
La levée de fonds s’accompagne d’un assouplissement statutaire, levant l’obligation de lancer une OPA en cas de franchissement du seuil de 24,99 % du capital par conversion des titres hybrides. Cette mesure ouvre la voie à une montée en puissance potentielle d’actionnaires comme PIC ou QNB, renforçant à terme leur influence. Elle est présentée comme un passage obligé pour rester compétitif dans un environnement africain où la réglementation et la concurrence se durcissent.
Les actionnaires, frustrés par l’absence de dividendes depuis plusieurs années malgré des résultats en forte hausse, attendent des signaux clairs. La direction d’Ecobank, tout en insistant sur la nécessité de préserver la solidité financière du groupe, assure vouloir rétablir une politique de redistribution dès que possible. En 2024, 22 des 33 filiales ont versé 217 millions $ de dividendes à la maison mère, mais la capitalisation boursière du groupe a chuté de 21 % sur un an, illustrant le scepticisme des marchés.
Le choix d’Ecobank reflète un équilibre entre prudence et ambition. Tout en affichant des indicateurs de rentabilité impressionnants, le groupe reste exposé à des fragilités internes, notamment en Afrique de l’Ouest. Sa filiale nigériane, qui pèse 18 % des actifs mais ne contribue que marginalement aux bénéfices, reste un maillon faible. C’est dans ce contexte que cette levée de fonds hybride, bien que complexe et potentiellement coûteuse, s’impose comme une étape clé pour accompagner la croissance future.