Le Nigeria est dans l’attente des premiers chiffres pour les scrutins présidentiel et législatifs qui se sont parfois prolongés ce dimanche matin en raison de problèmes techniques. L’attente et la pression sont fortes sur l’INEC, la Commission électorale indépendante, pour garantir des résultats transparents et crédibles. L’annonce des résultats a bien débuté dimanche en fin de journée à Abuja, mais la publication des résultats connaît des ratés et la Commission électorale a très vite suspendu ses travaux en annonçant qu’elle les reprendra lundi à partir de 11 heures. Compte rendu de la journée.
« Nous devons protéger nos votes » a-t-on entendu souvent pendant la campagne. Lors des précédentes présidentielles, il fallait attendre plusieurs jours après le vote pour l’annonce officielle des résultats. Cette fois, le président de la Commission électorale a promis que les résultats seraient annoncés « rapidement », mais il n’a pas précisé le délai, évoquant la possibilité que ce délai se compte en jours. Comptabiliser les votes dans le pays le plus peuplé d’Afrique prend du temps : plus de 93 millions d’électeurs étaient appelés aux urnes hier, un scrutin qui se prolonge dans certains bureaux de vote ce dimanche.
Rappelons que pour être élu, le futur président de l’État fédéral nigérian devra obtenir la majorité absolue. Mais aussi plus de 25 % des suffrages exprimés dans au moins les deux tiers des États que compte le pays, donc 24 sur 36. Sinon, la Constitution prévoit un second tour entre les deux candidats ayant réalisé les meilleurs scores. Scénario qui ne s’est jamais produit depuis le retour des civils au pouvoir en 1999.
Le Parti travailliste demande l’annulation du scrutin
Face aux incidents (retards, violences…) qui commencent à remonter, certains cadres du Parti travailliste de Peter Obi ont réclamé à la mi-journée l’annulation pure et simple du scrutin à Lagos. Il va falloir attendre d’en savoir un peu plus, mais selon eux, le retard pris dans l’affichage des résultats par la Commission électorale entame la crédibilité du processus électoral. Ils dénoncent par exemple des manipulations dans l’État de Rivers où des bandes de jeunes auraient envahi certains bureaux de vote et téléchargé de faux résultats. Un communicant de la présidence nigériane a jugé cette demande hilarante, dans un message qu’il vient de poster sur Twitter.
Le ministre de l’Information, Lai Mohammed, avait pourtant salué hier la détermination des Nigérians et l’atmosphère conviviale dans laquelle s’est déroulé ce vote, mais les choses ont évolué ce dimanche à la lumière des informations remontant du terrain. Un porte-parole de la police à Lagos a par exemple réagi en dénonçant ce qu’on pouvait voir dans une vidéo virale, qui montrait le manager du comité des parcs de Lagos en train d’intimider activement des électeurs qui ne soutiendraient pas le parti majoritaire. Cet homme, surnommé MC Oluomo, est un fidèle parmi les fidèles de Bola Tinubu, le candidat de l’APC, le parti majoritaire. Et la police a confirmé que ces menaces et ces pressions pouvaient être passibles de poursuites si la vidéo est authentifiée.
Enfin, ce dimanche, il y a eu une brève réaction de Burna Boy, la superstar de la musique afrobeat, qui a posté un message très court sur son compte Instagram pour demander à l’INEC [Commission électorale nationale indépendante, NDLR] de « laisser les Nigérians décider et de ne pas faire des tours de magie avec les résultats ». Le service minimum donc. Mais hier, beaucoup de Nigérians critiquaient sur les réseaux sociaux le silence des stars de la musique de leur pays, qui évitent la plupart du temps de se mêler de politique.
La publication des résultats connaît des ratés
Le président de la Commission électorale (INEC) avait annoncé que les premières indications chiffrées seraient annoncées en fin d’après-midi. Mahmood Yakubu a ouvert à Abuja officiellement le Centre national des collectes des résultats des élections 2023. Le président de l’INEC a fait un point de presse très formel et sans questions où il a essentiellement rappelé les procédures.
La compilation des résultats de l’élection présidentielle au Nigeria se fait à quatre niveaux, après la fin des votes, le dépouillement et l’enregistrement des résultats dans les différents bureaux de vote. Les résultats sont rapidement acheminés et collectés dans les 8 809 zones d’enregistrement ou circonscriptions. Les résultats collectés au niveau des circonscriptions sont ensuite comptabilisés et collectés dans 774 gouvernements locaux du pays. Ensuite, ils sont comptabilisés et collectés dans chaque État de la Fédération et dans le territoire de la capitale fédérale. Les chiffres fédéraux pour chaque État et le territoire de la capitale sont finalement rassemblés ici à Abuja, où l’annonce du résultat de l’élection sera faite par le Directeur du scrutin pour l’élection présidentielle, qui est également le Commissaire électoral principal de la Fédération. Et c’est un devoir que j’ai le privilège d’accomplir.
L’annonce des résultats a bien débuté en fin de journée à Abuja, mais la Commission électorale a très vite suspendu son travail en attendant que d’autres données remontent de chaque région. Pour l’instant, on ne connaît en fait le résultat du vote que dans un seul État sur les 36 que compte le Nigeria (l’État Ekiti).
La Commission électorale reprendra l’annonce des résultats lundi matin à partir de 11 heures, gouvernement local par gouvernement local, beaucoup de chiffres, donc, avant d’avoir une image du résultat final.
Tout cela fait évidemment monter la tension au Nigeria, d’autant qu’il y a de nombreux problèmes techniques. Effectivement, après le retard hier à l’ouverture des bureaux de vote, la publication des résultats connaît également aujourd’hui des ratés. La Commission électorale a publié un communiqué pour dire que le site sur lequel ceux-ci devaient apparaître progressivement les résultats ne marche pas pour l’instant. De la même manière, les machines électroniques pour l’identification des électeurs ont eu pas mal de problèmes de réseau, ce qui a compliqué l’envoi des résultats depuis le terrain. Tout cela sème d’ores et déjà certains doutes sur la crédibilité de cette élection, même si la Commission électorale promet dans son message qu’il n’y a eu aucune intrusion ou sabotage de son système.
« La Commission est consciente des difficultés rencontrées avec le portail de visualisation des résultats de l’INEC (IReV). Contrairement aux élections hors saison où le portail a été utilisé, il a été relativement lent et instable La Commission regrette ce revers, notamment en raison de l’importance de l’IReV dans notre processus de gestion des résultats », écrit le communiqué dans ce communiqué publié sur le compte Twitter de la Commission électorale.