Dans une lettre adressée au président camerounais Paul Biya, rendue publique le 12 août, Emmanuel Macron reconnaît pour la première fois officiellement que la France a mené une guerre au Cameroun, marquée par des violences répressives, avant et après l’indépendance du pays en 1960. Le président français assume la responsabilité de la France dans ce conflit qui s’est étendu jusqu’en 1971, notamment à travers le soutien aux autorités camerounaises indépendantes.
Macron détaille dans ce courrier daté du 30 juillet la nature et l’ampleur des violences commises par les forces coloniales et l’armée française, qu’il qualifie de « multiples » et « répressives ». Il évoque en particulier le massacre d’Ekité, dans la nuit du 30 au 31 décembre 1956, où plusieurs dizaines de civils et militants du parti indépendantiste UPC ont été tués par l’armée coloniale. Le chef de l’État mentionne également la mort de quatre figures clés de la lutte pour l’indépendance, dont Ruben Um Nyobe, assassiné lors d’opérations militaires françaises.
Cette reconnaissance s’appuie sur les travaux de la Commission mixte franco-camerounaise, créée en 2023 à l’initiative de Paul Biya et Emmanuel Macron, qui a établi un bilan historique sans ambiguïté sur cette période. Cependant, la lettre soulève une zone d’ombre concernant l’assassinat à Genève en 1960 de Félix-Roland Moumié, chef emblématique de la lutte anticoloniale, pour laquelle la responsabilité directe de la France n’a pas été formellement établie par la commission.
Pour poursuivre cette démarche, un comité franco-camerounais sera mis en place afin de poursuivre les recherches historiques et mieux éclairer cette période troublée. L’Élysée salue ce projet comme un « pas important » vers la compréhension et la vérité. Néanmoins, malgré cette avancée symbolique, aucune réparation politique, morale ou judiciaire n’est envisagée pour l’instant, ce qui suscite déjà des critiques du côté des organisations de défense des droits humains et des héritiers des victimes.
Au-delà de la dimension mémorielle, cette reconnaissance officielle pourrait marquer un tournant dans les relations franco-camerounaises, encore empreintes des tensions liées à ce passé colonial douloureux. Le président Macron, en assumant la « guerre » menée par la France, ouvre une porte vers un dialogue historique approfondi, mais reste prudent quant aux suites concrètes. L’enjeu sera désormais de transformer ce geste en actions tangibles, que ce soit par la justice, la reconnaissance politique ou des mesures de réparation.