En 2025, la Chine a investi 39 milliards de dollars en Afrique dans le cadre de ses « nouvelles routes de la soie », dont 21 milliards uniquement au Nigeria. C’est ce que révèle un rapport de l’université australienne de Griffith publié le 17 juillet. Cette somme représente une hausse spectaculaire par rapport à l’année précédente et marque un recentrage clair de la stratégie chinoise sur des pays jugés prioritaires.
Le Nigeria est le principal bénéficiaire de ces investissements, notamment grâce à son vaste projet de parc industriel gazier à Ogidigben, dans le sud du pays. La Tanzanie suit avec 3,6 milliards de dollars, destinés à des infrastructures facilitant l’exportation de minerais stratégiques. À l’inverse, des pays comme le Cameroun, Madagascar, le Zimbabwe ou encore l’Afrique du Sud n’ont reçu aucun nouveau financement de Pékin en 2025, alors qu’ils figuraient parmi les partenaires de la Chine les années précédentes.
Cette redistribution n’est pas anodine. Selon l’Institut asiatique de l’université de Griffith, Pékin cherche à limiter les risques liés à ses investissements en Afrique. En clair, les pays incapables de garantir des retours économiques solides — notamment via des ressources stratégiques comme le gaz, le pétrole ou les terres rares — ne sont plus considérés comme prioritaires. Le Cameroun, pourtant historiquement lié à Pékin par d’importants projets, illustre ce retrait brutal.
Pour Pékin, il s’agit aussi de sécuriser ses approvisionnements en matières premières critiques dans un contexte international de plus en plus tendu. L’accent est mis sur les projets qui garantissent à la Chine un accès durable à ces ressources, tout en réduisant les risques d’impayés. Cette stratégie s’inscrit dans une logique de retour sur investissement et de consolidation géoéconomique sur le continent.
Ce recentrage soulève toutefois des questions. D’un côté, il confirme la volonté chinoise de maintenir une présence forte en Afrique. De l’autre, il creuse les inégalités entre pays africains, avec un accès très inégal aux financements. Le cas du Cameroun interpelle : longtemps présenté comme un partenaire privilégié, il est aujourd’hui écarté sans explication officielle. Ce choix pourrait fragiliser certains régimes africains qui misaient sur Pékin pour financer leurs ambitions.
Enfin, ce rapport met en lumière une évolution de la relation sino-africaine : d’un engagement large et multisectoriel, la Chine passe à une approche sélective et centrée sur ses propres intérêts stratégiques. Pour les pays africains, cela implique une adaptation rapide : seuls ceux qui sauront offrir des garanties solides — en ressources, en stabilité ou en rentabilité — resteront dans le jeu.