La contrebande de noix de cajou représente une menace sérieuse pour l’industrie de la transformation en Afrique de l’Ouest. Cette problématique prend de l’ampleur malgré les efforts des gouvernements régionaux visant à développer une industrie locale durable. Depuis plus d’une décennie, un commerce informel transfrontalier prospère dans la région, menaçant d’entraver les projets d’industrialisation. En 2024, des experts de la filière, tels que Jim Fitzpatrick, soulignent que ce trafic est alimenté par des divergences dans les politiques nationales, ce qui complique la régulation du marché et les initiatives de transformation.
Les politiques nationales disparates ont permis aux contrebandiers de tirer parti des failles existantes, comme l’explique Fitzpatrick. Par exemple, au Bénin, bien que le gouvernement ait pris des mesures pour limiter les exportations de noix brutes et encourager l’industrialisation, la décision a eu des conséquences inattendues. La fermeture de certains canaux d’exportation a poussé les producteurs vers des routes informelles, notamment vers le Togo et le Nigeria. En conséquence, ces pays ont vu leurs exportations de noix de cajou augmenter de manière anormale, attirant l’attention de pays comme l’Inde et le Vietnam, qui ont massivement importé des quantités de noix de cajou bien supérieures à celles produites localement.
L’Afrique de l’Ouest, qui produit la majeure partie de la noix de cajou mondiale, est confrontée à des défis économiques et politiques qui exacerbent la situation. Le Ghana, par exemple, malgré ses discours sur l’industrialisation, reste une plaque tournante du trafic de noix de cajou. Le port de Tema, principal point de sortie vers les marchés mondiaux, est devenu un centre névralgique pour le transit illégal de noix en provenance du Burkina Faso, du Mali et de la Côte d’Ivoire. Bien que la Côte d’Ivoire ait interdit l’exportation par route, la pratique perdure, avec des quantités considérables de noix de cajou détournées vers le Ghana.
La persistance de la contrebande compromet non seulement les initiatives d’industrialisation dans la région mais également les recettes fiscales. En effet, plusieurs pays de la région souffrent d’une perte importante de taxes d’exportation. En 2024, des exportations de noix de cajou en provenance du Togo et du Ghana ont largement dépassé la production réelle de ces pays, ce qui a directement nui à l’économie formelle. Cette situation met en lumière la nécessité urgente d’harmoniser les politiques agricoles au niveau régional, afin de lutter efficacement contre le commerce illicite et encourager la transformation locale des produits agricoles.
Les experts du secteur, comme Paul Marie Kodjo, estiment qu’une seule initiative nationale ne suffira pas à contrer le trafic. La coopération régionale est essentielle pour éradiquer le commerce informel et réussir à établir une industrie de la transformation durable. Sans une approche collective, les efforts individuels des pays risquent de se révéler inefficaces. Le défi reste de taille, car la contrebande touche également d’autres produits agricoles, tels que le riz et le cacao, qui, tout comme la noix de cajou, sont victimes de la faiblesse des régulations transfrontalières.
Les solutions existent, mais leur mise en œuvre nécessite un véritable engagement politique des pays de la région. La question de la coordination entre les autorités douanières, la mise en place de taxes d’exportation uniformes et la surveillance accrue des points de transit demeurent des enjeux cruciaux. Pour Paul Marie Kodjo, la réussite passe par la prise de mesures fortes et une volonté collective des États ouest-africains. Si ces initiatives ne sont pas suivies par tous, l’impact de la contrebande pourrait continuer à freiner le développement du secteur de la noix de cajou, compromettant les ambitions d’industrialisation de la région.