Le président américain Joe Biden a livré mardi 7 février devant le Congrès son discours sur l’état de l’Union. Avec des accents de campagne pour un éventuel second mandat, le démocrate a dit vouloir « finir le travail », rendre à l’Amérique populaire sa « fierté » et à la nation divisée son « unité », martelant également que le pays doit « faire face » à la crise climatique, qualifiée de « menace existentielle ».
Les premiers mots du président démocrate ont été consacrés à la situation très favorable de l’économie. Les États-Unis sont « en meilleure position que n’importe quel pays dans le monde » pour relancer leur économie, malgré les effets de la guerre en Ukraine et du Covid-19, a assuré le président américain dès le début de son discours sur l’état de l’Union.
Il a rappelé ses très bons chiffres du chômage, car en deux ans son administration a créé 12 millions d’emplois, soit « plus que n’importe quel président en quatre ans », a-t-il dit, se félicitant de la baisse de l’inflation, rapporte notre correspondant à Miami, David Thomson.
Pour cette traditionnelle allocution de politique générale, Joe Biden a promis devant les parlementaires d’œuvrer pour les « oubliés » de la croissance. « Durant des décennies, la classe moyenne a été écrasée, a-t-il déploré. Les emplois bien rémunérés partaient à l’étranger, les usines fermaient. »
« Je me suis présenté pour vraiment changer les choses, pour être certain que l’économie fonctionne pour tous afin que chacun puisse être fier de ce qu’il fait », a-t-il déclaré.
À la peine dans les sondages, Joe Biden a joué la carte du pragmatisme, faisant l’étalage – dans les détails les plus précis – de ses grands projets de loi censés ramener ces emplois en Amérique, améliorer la vie des seniors, supprimer les frais bancaires abusifs…
Visiblement à l’aise depuis le perchoir de la Chambre des représentants, un Joe Biden combatif s’est même payé le luxe d’ironiser sur les républicains, partisans d’une orthodoxie budgétaire, qui ont plus d’une fois hué son discours. « Laissez-moi vous dire, j’aime convertir les gens » à mes idées, s’est-il amusé. Il s’agissait de sa première allocution devant le Congrès depuis que les républicains sont redevenus majoritaires à la Chambre des représentants.
Des promesses irréalisables
Face aux parlementaires, le démocrate a aussi réclamé de pouvoir « finir le travail », en concrétisant les promesses qui l’ont porté à la Maison Blanche : guérir « l’âme » de l’Amérique et « unifier le pays ». Quitte à faire des promesses irréalisables avec une majorité républicaine à la Chambre : l’interdiction des fusils d’assaut « pour de bon », une « taxe minimale » sur les milliardaires….
Car sur cette grande allocution annuelle de politique générale, par laquelle tout président américain remplit son obligation constitutionnelle d’informer le Congrès, plane déjà la perspective de la présidentielle de 2024.
La liste des invités de la Maison Blanche en donne un aperçu. Étaient présents dans l’hémicycle les parents de Tyre Nichols, jeune homme afro-américain mort après avoir été passé à tabac par des policiers à Memphis; un couple de lesbiennes; et une Texane qui a failli mourir des suites d’une fausse couche, les médecins ayant refusé de la traiter de peur de violer une loi limitant l’avortement.
Rare manifestation d’unité dans une Amérique extrêmement divisée, l’entrée de Joe Biden dans l’hémicycle a été, à quelques exceptions près, saluée par une ovation debout.
Trump réagit en direct et veut sauver les États-Unis du « déclin »
Tout au long de son allocution, le dirigeant a tenté d’aborder des sujets susceptibles de mobiliser les Américains, qui selon les sondages ne veulent pas d’un second match entre lui et Donald Trump en 2024.
Déjà en campagne, le milliardaire républicain se présente en homme providentiel, seul capable de sauver l’Amérique d’un « déclin » généralisé. Et commentait mardi en direct le discours de Joe Biden sur son réseau social, Truth Social. « Il a l’air très énervé, crie dans le micro, alors qu’il tente d’être conciliant » a-t-il moqué. L’ancien président veut capitaliser sur la réelle déprime de la première puissance mondiale.
Mardi, Joe Biden a au contraire voulu se donner le rôle d’optimiste en chef.
Le président a aussi vanté son rôle d’architecte de la riposte occidentale face à la Russie, invitant les parlementaires à ovationner l’ambassadrice ukrainienne, présente dans la salle. Les États-Unis soutiendront l’Ukraine « aussi longtemps qu’il le faudra », a-t-il promis.
Mais le président américain était surtout attendu sur la Chine : l’affaire du ballon chinois abattu samedi après avoir survolé le territoire américain pendant plusieurs jours lui vaut des reproches de faiblesse à droite. L’Amérique « agira » si Pékin « menace sa souveraineté », a-t-il alerté.
En guise de pied de nez, l’élue trumpiste Marjorie Taylor Greene promenait un grand ballon blanc dans les couloirs du Congrès quelques heures avant l’allocution.
(Avec AFP)
Les États-Unis doivent « faire face » à la crise climatique, une « menace existentielle »
Joe Biden a par ailleurs assuré mardi que l’Amérique devait « faire face » à la crise climatique, la qualifiant de « menace existentielle », lors de son discours sur l’état de l’Union. « Nous avons une obligation, non pas envers nous-mêmes, mais envers nos enfants et nos petits-enfants, d’y faire face, et je suis fier de voir l’Amérique enfin relever le défi », a-t-il affirmé. À travers l’Inflation Reduction Act, Joe Biden a alloué des fonds historiques pour lutter contre le changement climatique : 369 milliards de dollars pour investir dans des technologies vertes et développer massivement les énergies renouvelables. Le défi est immense car le temps presse et les obstacles ne manquent pas, comme le montre l’exemple des éoliennes en mer.
Les images diffusées par les télévisions américaines sont impressionnantes : d’immenses baleines à bosse, échouées sur les plages de la côte est des États-Unis. En deux mois seulement, au moins dix de ces géants sont décédés sur les rivages du New Jersey et de l’État de New York, du jamais vu. Les scientifiques ne savent pas encore ce qui a poussé les baleines sur les plages, les biopsies prélevées sur leurs cadavres sont encore en cours d’analyse. Mais l’émotion est très vive sur la côte Est et certaines ONG locales n’hésitent pas à avancer des hypothèses.
Des baleines échouées sur les plages
« Onze entreprises ont obtenu des permis pour mener des travaux exploratoires pour l’installation d’éoliennes en mer. Des travaux qui nécessitent des géo-technologies et des sonars », raconte Cindy Zipf qui dirige Clean Ocean Action, une organisation de défense de l’environnement marin, basée dans le New Jersey. « Il nous semble possible et plausible que le nombre sans précédents d’entreprises, dont les travaux font un bruit jamais encore atteint en mer, dérangent et désorientent les baleines. »
« Le projet (de l’administration Biden, NDLR) prévoit l’installation de 3 500 éoliennes sur une surface de 900 000 hectares dans l’océan Atlantique entre le Massachusetts et le New Jersey d’ici 2030. Rien que les pâles des éoliennes sont aussi grandes que la Statue de la Liberté. Leur présence massive va totalement détruire l’écosystème, s’alarme la défenseuse de l’océan qui souligne le choc qui s’est emparé de la population. Certains disent que les baleines envoient un SOS. C’est en raison de leur mort tragique que les gens réalisent tout d’un coup ce que comporte ce projet d’éolien en mer. Nous avons donc écrit au président Joe Biden pour lui demander de suspendre toutes les activités liées à l’industrie de l’éolien en mer afin d’enquêter en toute transparence sur les causes de la mort des baleines. »
L’administration Biden a répondu par la voix de l’Agence américaine d’observation océanique et atmosphérique qui a tenu une conférence de presse pour dire : il n’y a aucun lien connu entre les travaux d’exploration actuellement en cours pour de futures installations d’éoliennes et la mort des baleines à bosse sur les plages.
Riverains opposés aux éoliennes en mer
D’autres organisations non gouvernementales sont d’ailleurs montées au créneau pour défendre les éoliennes en mer. À l’instar du Sierra Club, la plus ancienne ONG américaine dédiée à la protection de l’environnement.
« Quelques ONG ici dans le New Jersey ont toujours été contre les éoliennes en mer », constate Anjuli Ramos qui dirige le bureau du Sierra Club dans cet État de la côte Est. « La raison principale, c’est que nos résidents qui possèdent des maisons sur la côte, et notre côte est très longue, craignent que les éoliennes ne gâchent leur vue sur l’océan et qu’ils soient dérangés par leur vrombissement une fois mises en service. Ils sont contre pour des raisons esthétiques. Or, pour protéger notre planète et in fine également les baleines, il nous faut miser sur les énergies renouvelables, dont les éoliennes en mer. »
L’éolien offshore : un secteur en pleine émergence aux États-Unis
Le secteur d’éolien offshore n’est qu’à ces tous débuts aux États-Unis. Les Américains n’ont construit pour l’instant que sept éoliennes en mer. Or, pour atteindre son objectif de baisser d’ici 2030 les émissions de gaz à effet de serre de 40% par rapport à 2005, l’administration Biden a besoin des énergies renouvelables et notamment des éoliennes en mer.
D’ici sept ans, elles doivent produire « 30 gigawatts et 15 gigawatts supplémentaires grâce aux éoliennes flottantes qui seront installées surtout sur la côte Ouest d’ici 2035 », précise Jose Zayas, directeur d’ACORE (Conseil américain en énergies renouvelables).
Le défi est immense, puisque tout est à faire et dans un temps record. « Il nous faut comprendre quel genre de matériel nous importons du marché mondial pour ensuite construire une chaîne d’approvisionnement nationale solide. Nous agrandissons nos ports pour pouvoir accueillir les composants des éoliennes et les acheminer vers les navires d’installation. Nous aurons d’ailleurs besoin de navires spécialement conçus et construit à cet effet », détaille Jose Zayas. Mais le plus urgent, ce sont les lignes de transmission qui doivent amener l’électricité de la mer sur la terre ferme.
« La coordination entre les États est primordiale pour que nous puissions construire le futur réseau électrique de façon efficace, fiable et dans les temps. Aux États-Unis, il nous faut environ dix ans pour construire une nouvelle ligne de transmission. Donc si nous voulons développer l’éolien en mer, nous devons commencer dès maintenant. »
Sans oublier un travail nécessaire de communication auprès des habitants des côtes et surtout de ceux qui travaillent déjà en mer, comme les pêcheurs. Car pour réussir la difficile transition énergétique, il faut que la société américaine soit la plus unie possible.