La Communauté des États d’Afrique de l’Est (EAC) s’active actuellement pour essayer de calmer les tensions entre Congolais et Rwandais au sujet des attaques du M23 dans l’est de la RDC. C’est le Burundi qui préside actuellement l’organisation est-africaine. Pour faire un point sur le contexte régional, ainsi que sur la question des droits de l’homme au Burundi, RFI et France 24 reçoivent le président burundais Évariste Ndayishimiye. Il répond aux questions de Marc Perelman et Laurent Correau.
Marc Perelman : Vous exercez actuellement la présidence tournante de la Communauté des États d’Afrique de l’Est (East African Community, EAC). Vous avez notamment pour but de tenter d’apaiser les tensions entre le Rwanda et la RDC. On voit que la situation reste très tendue sur le terrain. Est-ce que vous pensez que les conditions d’une négociation sont réunies à l’heure actuelle ?
Évariste Ndayishimiye : Je ne peux pas dire qu’on est loin. Plutôt, on est en avance parce que d’abord, sur la question du dialogue et de la réconciliation entre les États, le rapprochement, c’est d’abord un pas. Accepter de s’asseoir ensemble. Donc que je considère qu’il y a une avancée, une avancée significative. Il y a eu beaucoup de rencontres et j’ai vu aussi que la communauté internationale était très consciente de ce processus, pour que l’on puisse retrouver la paix dans cette région.
Laurent Correau : Mais est-ce que le gouvernement congolais accuse à raison le gouvernement rwandais de soutenir le M23 ?
É.N. : Jusqu’à maintenant, on n’a pas encore tranché au niveau de la région ou moi-même, mais nous prévoyons une réunion de consultation avec le facilitateur de ce conflit, le président angolais [Joao Lourenço, NDLR], on aura quand même l’occasion d’analyser et de voir la réalité des choses.
M.P. : Vous appelez la communauté internationale à venir vous aider, à investir. Mais, par exemple, l’aide budgétaire de l’Union européenne n’a toujours pas été débloquée. Il y a toujours des désaccords sur la feuille de route. Pourquoi ? Et est-ce que vous espérerez bientôt un accord sur ce sujet ?
É.N. : Je crois qu’il n’y a pas de désaccord. Nous sommes plutôt dans le dialogue pour voir dans quel domaine ils peuvent appuyer.
M.P. : Quand y aura-t-il cet accord avec l’Union européenne ?
É.N. : Quand vous êtes [autour] d’une table, vous ne savez pas quand la réunion va se terminer. Mais ce qui est intéressant, c’est que tout le monde est attiré et nous parlons presque le même langage. Nous allons ensemble, et nous allons réussir ensemble aussi.
L.C. : Lors de sa dernière réunion, le Conseil des droits de l’homme de l’ONU a adopté une résolution dans laquelle il condamne ce qu’il appelle « l’impunité généralisée » pour toutes les violations des droits de l’homme dans votre pays. Il demande à votre gouvernement de faire en sorte que tous les acteurs de telles violations, qu’ils soient membres des forces de défense et de sécurité ou membres du mouvement de jeunesse du parti, les Imbonerakure, aient à répondre de leurs actes. Est-ce que c’est une demande à laquelle vous êtes prêt à répondre en tant que chef de l’État ?
É.N. : Si on parle de cette jeunesse, les Imbonerakure : aujourd’hui, tous les jeunes du pays sont mobilisés vers le développement. J’organise des retraites des jeunes intellectuels, au moins deux fois par semaine…
L.C. : Mais vous contestez l’ampleur des violations des droits de l’homme dénoncées par cette commission ?
É.N.: Non,vraiment, jusqu’à maintenant, on ne m’a pas encore montré où il y a eu violation des droits de l’homme. Je sais qu’il n’y a pas une personne qui commet un crime et qui reste impuni. Et vraiment, là, je m’y mets moi-même. Vous savez, j’ai mis à la disposition de tous les citoyens mon numéro de téléphone, mon numéro WhatsApp, c’est-à-dire que chaque fois qu’il y a violation des droits de l’homme, partout, toujours, ils dénoncent et je dois assurer le suivi. Qu’est-ce que celui qui est à l’extérieur peut connaître que moi je ne connaisse pas ? Je pense que ce sont des détracteurs qui font de la contre-propagande.
L.C. : Est-ce que vous êtes prêt, alors, à accueillir l’observateur de la Commission des droits de l’homme de l’ONU pour qu’il puisse constater lui-même tout cela au Burundi ?
É.N. : Je ne sais pas si vous avez écouté mon discours à l’Assemblée générale des Nations unies. À cause de ces gens-là, qui veulent faire des rapports biaisés, j’ai demandé au Haut-Commissariat des droits de l’homme des Nations unies de venir au Burundi pour que nous nous asseyons ensemble, afin d’analyser ensemble la situation, et voir ce que nous pouvons faire pour améliorer davantage la protection des droits de l’homme. Donc, nous n’avons pas peur que le Haut-Commissariat des droits de l’homme vienne au Burundi et que l’on puisse discuter de comment gérer les questions des droits de l’homme dans mon pays.
RFI