Le franc CFA, utilisé dans les pays de la Cemac à l’instar du Cameroun, du Gabon,… est actuellement l’une des devises les plus recherchées par les agents économiques présents au Nigeria voisin et même au Ghana. À l’aéroport d’Accra, la capitale ghanéenne, les voyageurs en provenance de Lomé ou d’Abidjan peuvent constater que le premier bureau de change accepte de convertir 1000 francs CFA à un taux proche de celui du dollar américain.
Au Nigeria, la demande de franc CFA est encore plus forte, du fait de la faible disponibilité de liquidités en nairas et de la dépréciation de cette monnaie locale. Dans les bureaux de change de Lagos, 1000 francs CFA peuvent rapporter jusqu’à 1875 nairas. Cet intérêt marqué pour le franc CFA contraste avec la perception d’une partie des populations des pays de la zone Franc, comme le Cameroun, qui y voient un symbole de la domination économique de la France.
Au Nigeria comme au Ghana, ce regain d’intérêt s’explique de la même façon : la facilité de conversion et la stabilité relative de la valeur du franc CFA. Le paradoxe réside dans le fait que le Nigeria et le Ghana représentent un marché potentiel combiné de près de 250 millions d’habitants, soit environ 60% de la population de la Cedeao. Selon le FMI, le PIB du Nigeria devrait reculer à 394 milliards de dollars en 2024, loin des 477 milliards de 2022. Néanmoins, même affaiblies, les économies nigériane et ghanéenne cumuleraient encore 61% du PIB global de la Cedeao et de l’Uemoa.
L’importance prise par le franc CFA dans ces deux pays ne reflète donc pas un renversement des forces économiques régionales, mais la façon dont toutes ces économies ont été affectées par des facteurs exogènes. Si le cedi ghanéen vaut théoriquement plus que le franc CFA face au dollar, il a perdu comme le naira nigérian jusqu’à 90% de sa valeur face au billet vert, tandis que la dépréciation du franc CFA est restée limitée à 19%. Face à l’euro, la monnaie de la zone Franc est demeurée stable, alors que le cedi et le naira ont chuté de plus de 79% en moyenne.
L’une des conséquences de cette appréciation relative du franc CFA est une distorsion des prix dans les villes frontalières au Nigeria et au Ghana, du fait du pouvoir d’achat plus important qu’il représente par rapport aux monnaies de ces pays. Sur les produits transfrontaliers, les hausses de prix fragilisent des populations souvent rurales, aux revenus limités et peu évolutifs. Pour l’heure, aucun document public ne laisse penser que les banques centrales de ces zones économiques coopèrent sur cette question.
Agence Ecofin