Deux mois après sa victoire à la présidentielle d’avril, Brice Oligui Nguema a annoncé la création de son propre parti politique. Le président gabonais convie la population à un rassemblement prévu le 28 juin au Palais des sports de Libreville, où il dévoilera officiellement cette nouvelle formation, encore sans nom. Candidat indépendant lors du scrutin, le chef de l’État justifie ce tournant par la nécessité de « rassembler les énergies constructives de la nation ».
Dans une vidéo publiée le 22 juin, Oligui Nguema apparaît sous un arbre, entouré d’une dizaine de partisans, et déclare vouloir doter le pays d’un cadre politique capable de structurer l’action gouvernementale. « Le suffrage universel que vous m’avez accordé exige désormais la mise en place d’un outil politique », affirme-t-il. Ce discours marque une transition symbolique pour le général devenu chef d’État, qui cherche à consolider son pouvoir à travers une organisation propre, rompant avec l’héritage du Parti démocratique gabonais (PDG), longtemps dominant.
Cette initiative intervient dans un contexte de transition post-Bongo, après le coup d’État d’août 2023 qui avait renversé Ali Bongo Ondimba. Le PDG, parti au pouvoir depuis plus de cinq décennies, avait été affaibli, sans toutefois être formellement dissous. Oligui, qui s’était d’abord positionné comme une figure de rupture, cherche désormais à structurer son autorité dans la durée. En se dotant d’un parti, il suit une logique classique dans les régimes présidentiels africains : transformer un pouvoir personnel en machine politique.
Dans les rangs de l’opposition, cette annonce est perçue avec scepticisme. Jean-Rémy Yama, figure de la contestation, estime qu’une telle formation n’était pas indispensable. Selon lui, la Constitution actuelle confère déjà de larges pouvoirs au président, sans exigence de majorité parlementaire. Il redoute que ce nouveau parti ne devienne qu’un duplicata du PDG, avec les mêmes dérives de concentration du pouvoir et de verrouillage institutionnel.
L’annonce d’Oligui survient quelques jours après l’adoption par l’Assemblée nationale d’une loi visant à réduire drastiquement le nombre de partis politiques, aujourd’hui estimé à 103. Cette réforme, issue des recommandations du dialogue national d’avril, devrait ramener le paysage politique à trois ou quatre grandes formations. Le moment choisi par le président pour lancer son mouvement n’est donc pas anodin : il s’assure une place de choix dans un espace politique bientôt restreint.
Avec ce parti, Oligui Nguema tente de gagner en légitimité institutionnelle et de verrouiller son pouvoir à moyen terme. Il reste à voir s’il parviendra à fédérer autour de lui une base militante solide ou si ce mouvement ne servira qu’à institutionnaliser un pouvoir déjà largement consolidé. Dans un pays marqué par des décennies de régime autoritaire, l’exercice du pouvoir reste étroitement lié à la capacité de contrôler l’appareil politique.