Le gouvernement gabonais a annoncé, le 30 mai, l’interdiction de toute exportation de manganèse brut à partir du 1er janvier 2029. Le minerai devra dorénavant subir une transformation locale avant de quitter le territoire. Cette mesure vise à stimuler l’emploi et l’industrialisation, dans un pays qui figure au deuxième rang mondial des producteurs de manganèse, avec 7,4 millions de tonnes extraites en 2023.
À travers cette décision, Libreville entend enclencher un changement structurel dans un secteur jusqu’ici dominé par l’extraction primaire. Les entreprises minières auront trois ans pour s’adapter à cette nouvelle exigence, un délai jugé « raisonnable » par des experts du secteur. Ceux-ci estiment qu’il est possible, dans ce laps de temps, de construire des infrastructures capables de produire des dérivés tels que le manganèse métal, le silicomanganèse ou l’aggloméré — très prisés par les industries sidérurgiques.
Pour plusieurs observateurs, cette décision aurait dû intervenir bien plus tôt. Un ancien cadre du ministère des Mines évoque un “retard historique” dans la valorisation des ressources nationales. « Mieux vaut tard que jamais », commente-t-il. Le Gabon abrite trois sociétés actives dans l’exploitation du manganèse, dont la plus importante reste Comilog, filiale du groupe français Eramet. Aucune d’entre elles n’a, pour l’heure, réagi publiquement à l’annonce.
Si la volonté politique est clairement affichée, plusieurs freins techniques persistent. Les opérateurs miniers pointent le déficit d’infrastructures, notamment sur le plan énergétique. Or, la transformation du manganèse exige une alimentation électrique stable et puissante. Des projets sont à l’étude, dont un barrage hydroélectrique de 600 mégawatts et de nouvelles centrales à gaz, qui pourraient lever ces obstacles d’ici l’échéance fixée.
La réussite de cette transition dépendra de la capacité du gouvernement à accompagner le secteur privé, à sécuriser les investissements et à garantir un cadre fiscal incitatif. Sans cela, il y a un risque réel que les opérateurs réduisent leur activité ou se tournent vers d’autres juridictions. La stratégie gabonaise repose donc autant sur la volonté politique que sur la capacité d’exécution technique et logistique.
Cette initiative pourrait inspirer d’autres pays producteurs de minerais en Afrique centrale, confrontés aux mêmes dilemmes : exporter des ressources brutes ou renforcer leur chaîne de valeur en local. Si le Gabon réussit son pari, il pourrait devenir un pôle industriel sous-régional dans le secteur métallurgique. Mais la route reste longue, et les trois prochaines années seront décisives.