Deux mois après son arrivée au pouvoir, le président de la transition, Brice Clotaire Oligui Nguema, frappe fort. Le gouvernement gabonais a adopté, le 20 juin en Conseil des ministres, une série de mesures d’austérité visant à réduire drastiquement les dépenses publiques et à rompre avec les pratiques de gabegie. Parmi les annonces phares : la fin des voyages en première classe pour la majorité des hauts cadres et la réduction du personnel dans les cabinets ministériels.
Le train de vie de l’État est désormais dans le viseur. Désormais, seuls les ministres d’État pourront continuer à voyager en première classe, les autres étant relégués à la classe économique. Les cabinets ministériels, dont celui de la vice-présidence, devront revoir leurs effectifs à la baisse. Les paiements en espèces pour les missions officielles seront abolis. Ces décisions s’inscrivent dans un effort de rationalisation que le gouvernement présente comme nécessaire pour « restaurer l’autorité de l’État » et incarner une gouvernance plus vertueuse.
Ces décisions interviennent dans un contexte budgétaire tendu. Depuis plusieurs années, le Gabon est miné par une gestion inefficace des ressources publiques, marquée par des exonérations fiscales jugées abusives. Le gouvernement affirme avoir perdu plus de 1 000 milliards de francs CFA au cours des trois dernières années à cause de ces avantages fiscaux « mal encadrés ». D’où la décision de suspendre toutes les exonérations fiscales pendant trois mois, le temps de réaliser un audit complet et d’évaluer leur pertinence.
Au-delà de la réduction des dépenses, l’exécutif veut aussi agir sur le pouvoir d’achat. Pour atténuer les effets de l’austérité, des mesures de soutien sont prévues. Les taxes sur l’importation de produits de première nécessité seront suspendues pendant six mois, tout comme la TVA sur les matériaux de construction. En revanche, la gratuité du transport en autocar, instaurée depuis la pandémie de Covid-19, prendra fin. L’idée est de cibler les aides et d’en finir avec des dispositifs coûteux et peu efficaces.
En toile de fond, ces réformes traduisent une volonté d’Oligui Nguema de rompre avec les dérives de l’ancien régime et d’imposer une nouvelle culture de la gestion publique. Le pari est risqué : imposer des restrictions aux élites administratives, tout en préservant un minimum de soutien aux populations, nécessite un dosage délicat. Reste à voir si ces efforts de redressement budgétaire, souvent annoncés mais rarement appliqués, seront tenus dans la durée.
Si la rupture affichée avec les pratiques passées séduit une partie de l’opinion, elle pourrait susciter des résistances dans les cercles du pouvoir, peu enclins à renoncer à leurs privilèges. Ce tournant austère, s’il est réellement mis en œuvre, pourrait aussi être un test politique pour la junte au pouvoir, dont la légitimité repose en grande partie sur sa capacité à démontrer qu’elle agit autrement que ses prédécesseurs. Le chemin vers la « bonne gouvernance » annoncé s’annonce long et semé d’embûches.