Une vaste enquête d’opinion exclusive, menée par Jeune Afrique et le cabinet Sagaci Research auprès de plus de 7 000 membres des classes supérieures africaines dans 47 pays, dresse un portrait nuancé et souvent critique de leur perception de la gouvernance, du développement et des partenaires internationaux du continent. Ces résultats offrent un aperçu unique des convictions de ceux qui, par leur position sociale et économique, influencent le débat public.
Cette étude, d’une ampleur inédite, s’est attachée à sonder les opinions d’une frange spécifique de la population : la classe moyenne supérieure, composée de cadres, d’entrepreneurs et de diplômés de l’enseignement supérieur. L’enquête a méthodiquement exploré plusieurs thèmes centraux, notamment le niveau de confiance dans les institutions nationales, l’évaluation des services publics comme la santé et l’éducation, ainsi que l’appréciation des politiques de développement menées par leurs gouvernements respectifs. Les questions portant sur la perception des puissances étrangères, telles que les États-Unis et la France, ajoutent une dimension géopolitique cruciale à ce panorama.
Cette consultation s’inscrit dans un contexte africain marqué par une diversité de trajectoires politiques et économiques. Alors que certains pays consolident leurs démocraties, d’autres connaissent un recul des libertés civiles ou des transitions de pouvoir contestées. Parallèlement, l’influence historique de partenaires comme la France est de plus en plus questionnée, face à la montée en puissance d’autres acteurs tels que la Chine, la Russie ou la Turquie. Comprendre le point de vue des élites, souvent mieux informées et plus connectées à l’international, est essentiel pour anticiper les évolutions sociales et politiques du continent.
Les enseignements de cette enquête sont susceptibles d’avoir des implications significatives. Pour les gouvernements africains, ils constituent un baromètre précieux, bien que partial, de l’opinion d’une frange influente de leur population, pouvant potentiellement orienter certaines politiques publiques ou stratégies de communication. Pour les partenaires internationaux, ces données offrent une lecture fine de leur image et de leur soft power auprès de ces relais d’opinion, ce qui pourrait influencer leurs approches diplomatiques et économiques. Enfin, les résultats pourraient alimenter le débat académique et médiatique sur le rôle et la vision des classes dirigeantes africaines dans la construction de l’avenir du continent.
La méthodologie employée, ciblant spécifiquement la classe moyenne supérieure, est à la fois la force et la limite de cette étude. Elle capture la voix d’un segment démographique dont l’impact est disproportionné, mais ne prétend pas représenter la majorité de la population africaine. L’analyse devra donc distinguer ce qui relève d’une opinion éclairée et informée de ce qui pourrait refléter les intérêts spécifiques d’un groupe social privilégié. La représentativité de chaque pays devra également être examinée avec attention.
Au delà des chiffres bruts, c’est l’interprétation des contrastes et des paradoxes qui s’avérera la plus riche d’enseignements. Les écarts de perception entre différentes régions du continent, ou entre pays francophones et anglophones, seront particulièrement scrutés. De même, la mise en perspective des critiques adressées aux gouvernements nationaux avec l’évaluation des partenaires étrangers révélera les attentes et les frustrations profondes de ces élites. Leur vision de la démocratie, entre idéal et pratique, constituera un indicateur clé de leur adhésion aux modèles politiques en place.



