Le jeudi 19 décembre, la justice guinéenne a frappé un grand coup en inculpant le directeur général des douanes, Moussa Camara, son adjoint Macky Agreby Diallo, ainsi que neuf autres responsables douaniers. Tous sont désormais sous mandat de dépôt, poursuivis pour corruption et détournement de fonds publics. Cette affaire éclatante met en lumière des dysfonctionnements majeurs au sein de l’administration douanière, avec des soupçons de détournement s’élevant à 700 milliards de francs guinéens, soit près de 76,7 millions d’euros.
Selon les investigations de la Cour de répression des infractions économiques et financières (CRIEF), ces responsables auraient orchestré un réseau sophistiqué de détournement de fonds. Avec la complicité de transitaires, ils auraient contourné le système classique de paiement au guichet unique pour détourner directement les recettes douanières. Parmi les chefs d’accusation figurent également des faits de blanchiment de capitaux, d’enrichissement illicite et de faux en écriture.
Cette affaire s’inscrit dans un contexte plus large de lutte contre la corruption menée par la junte au pouvoir. Depuis son arrivée en septembre 2021, le président de la Transition, Mamadi Doumbouya, a fait de la transparence une priorité. Cependant, malgré ses assurances de ne pas orchestrer une « chasse aux sorcières », la justice semble multiplier les arrestations et les poursuites à l’encontre des hauts responsables accusés de malversations.
Le cas des douanes n’est pas isolé. Pas plus tard que le 18 décembre, l’ancien ministre de la Défense, Mohamed Diané, a été condamné à cinq ans de prison et à une amende de 505 milliards de francs guinéens (55 millions d’euros). Cette série d’affaires judiciaires vise également d’anciens membres du gouvernement d’Alpha Condé, renforçant l’image d’une justice déterminée, mais également questionnée sur ses intentions politiques.
La Guinée, classée 141ᵉ sur l’index de perception de la corruption de Transparency International, espère tirer des leçons de ces affaires. Ces scandales pourraient marquer un tournant pour les institutions publiques, longtemps gangrenées par la corruption. Cependant, les observateurs soulignent que le défi reste immense, tant les pratiques frauduleuses semblent enracinées dans les rouages de l’État.
Les prochains mois seront cruciaux pour évaluer l’impact de ces actions judiciaires. Si elles suscitent l’espoir d’un assainissement des finances publiques, elles interrogent également sur leur capacité à enclencher des réformes structurelles profondes. Pour la population guinéenne, souvent victime des détournements massifs de fonds, ces arrestations constituent un premier pas. Toutefois, une réelle transformation nécessitera une volonté politique constante et une justice véritablement indépendante.