Avec un taux de croissance de 16,7 % par an depuis 2005, l’Afrique affiche une progression deux fois plus rapide que la moyenne mondiale en matière de pénétration d’Internet. Selon l’Union internationale des télécommunications (UIT), cette dynamique, bien que ralentie ces dix dernières années, reste l’une des plus soutenues au monde. Mais derrière cette performance se cache une réalité plus contrastée : seuls 38 % des Africains étaient connectés en 2024, contre 68 % au niveau mondial.
La fracture numérique qui persiste sur le continent n’est pas uniforme. Elle se manifeste selon plusieurs lignes de division : entre hommes et femmes, jeunes et personnes âgées, villes et campagnes. En matière de genre, seulement 31 % des femmes utilisent Internet, contre 43 % des hommes. L’indice de parité numérique en Afrique reste faible (0,72), loin de la moyenne mondiale (0,94). Côté générationnel, les jeunes de 15 à 24 ans sont plus connectés (53 %) que le reste de la population (34 %), un écart qui, s’il se réduit lentement, reste préoccupant. Enfin, en milieu rural, seulement 23 % des habitants ont accès à Internet, contre 57 % en zone urbaine.
Ces inégalités d’accès s’expliquent par des obstacles durables : infrastructures insuffisantes, coûts élevés, couverture irrégulière et politiques publiques souvent inadaptées. Le continent demeure encore le moins connecté au monde, malgré des avancées dans certains pays. L’accès au haut débit reste un luxe dans de nombreuses zones rurales, et les disparités socio-économiques accentuent l’exclusion des populations les plus vulnérables. La sous-représentation des femmes et des populations rurales dans le numérique est le reflet d’un écosystème inégal, encore peu inclusif.
Pour espérer combler ce retard, une réponse coordonnée s’impose. Investissements dans les infrastructures, politiques publiques ciblées, soutien aux programmes d’éducation numérique, renforcement de la connectivité rurale : autant d’actions nécessaires pour garantir une transition numérique inclusive. Le développement technologique doit impérativement tenir compte des réalités sociales et territoriales afin d’éviter que les fractures actuelles ne se creusent davantage.
Certains indicateurs montrent néanmoins une évolution positive. L’indice de parité entre les sexes a légèrement progressé ces cinq dernières années, et les jeunes Africains adoptent massivement les outils numériques, offrant au continent une base solide pour son avenir digital. Les pays où le taux global de pénétration est élevé tendent à réduire l’écart urbain-rural, preuve que des politiques volontaristes peuvent porter leurs fruits. Mais ces avancées demeurent trop lentes et trop inégalement réparties.
L’avenir numérique de l’Afrique dépendra de la capacité des États, des opérateurs et des partenaires au développement à agir de concert. Sans stratégie d’inclusion à long terme, les promesses de la croissance actuelle resteront inabouties. Dans un monde où l’accès à Internet conditionne l’accès à l’emploi, à l’éducation ou aux soins, ne pas agir équivaut à accepter une marginalisation croissante de larges pans de la population. L’enjeu est donc bien plus qu’un simple accès à la technologie : il s’agit d’un choix de société.