En Afrique du Sud, des familles de victimes de l’apartheid intentent une action en justice contre l’État. Elles accusent le Congrès national africain (ANC), au pouvoir depuis 1994, d’avoir échoué à poursuivre les responsables des crimes commis durant cette période sombre. Une conférence de presse tenue à Johannesburg le 23 janvier a permis aux plaignants de détailler leur démarche judiciaire.
Après la fin de l’apartheid, la Commission vérité et réconciliation (CVR) a permis aux victimes et aux bourreaux de témoigner pendant trois ans, jusqu’en 1998. Toutefois, comme le souligne Yasmin Sooka, ancienne membre de cette commission, l’État n’a pas respecté ses engagements en ne poursuivant pas les enquêtes nécessaires. À ce jour, très peu de procès ont été menés, laissant de nombreuses familles dans l’attente de réponses.
L’apartheid, système de ségrégation raciale en vigueur jusqu’en 1994, a été le théâtre d’atrocités largement documentées. Si la CVR a permis de mettre en lumière ces crimes, la transition démocratique menée par l’ANC n’a pas traduit ces révélations en justice. Pour les proches des victimes, ce manque d’action symbolise une double trahison, à la fois par le régime oppressif de l’apartheid et par le gouvernement démocratique qui a suivi.
Les familles espèrent que leur recours judiciaire contraindra l’État à identifier les responsables politiques ayant entravé les enquêtes. Selon l’avocate Odette Geldenhuys, il est crucial de comprendre les motivations derrière ces obstructions et d’envisager des solutions pour que justice soit rendue, même après tant d’années.
Lukhanyo Calata, fils de Fort Calata, militant anti-apartheid assassiné en 1985, exprime sa colère et sa douleur. « Mon père a été trahi par l’ANC, qui n’a rien fait pour rendre justice après avoir accédé au pouvoir », déplore-t-il. Ces témoignages rappellent l’ampleur des cicatrices laissées par l’apartheid et l’attente interminable des familles pour obtenir des réponses.
Trente ans après la fin de l’apartheid, les familles se battent encore pour faire entendre leurs voix. Leur combat dépasse la quête de justice pour leurs proches : il incarne une lutte plus large pour que l’Afrique du Sud reste fidèle aux idéaux de transparence et de réparation promis au début de la démocratie.