Le 25 mars 2025, le tribunal tunisien a ouvert la seconde audience d’un procès majeur concernant l’envoi de jeunes Tunisiens en Syrie et en Irak entre 2011 et 2014. Au centre de cette affaire se trouve Ali Larrayedh, ancien ministre de l’Intérieur et Premier ministre, ainsi que secrétaire général du parti islamiste Ennahdha. Ce procès, qui met en lumière les liens entre la politique tunisienne et les départs vers les zones de conflit, est scruté de près par l’opinion publique tunisienne, particulièrement en raison de l’implication de jeunes radicalisés, souvent ralliés à l’État islamique.
Ali Larrayedh, qui est en détention depuis trois ans, fait face à des accusations graves fondées sur la loi antiterrorisme. Il est reproché un laxisme coupable, voire une complicité dans la gestion des départs de jeunes vers la Syrie et l’Irak. Pendant la période critique de 2011 à 2014, en tant que ministre de l’Intérieur puis chef du gouvernement, il a été à la tête d’un gouvernement en proie à des tensions internes et externes, notamment face à la montée en puissance des groupes jihadistes. Les avocats de Larrayedh défendent l’idée qu’il est injuste de juger un ministre sans preuves tangibles sur son rendement, insistant sur le manque de documents spécifiques pour étayer les accusations.
Le phénomène des jeunes Tunisiens partis faire le jihad en Syrie et en Irak a été un choc pour le pays et pour la communauté internationale. De 2011 à 2014, une partie des jeunes militants, notamment issus des milieux radicaux salafistes et de groupes comme Ansar Al-Charia, ont rejoint les rangs de l’État islamique. L’ouverture de cette audience judiciaire intervient dans un contexte politique tendu, où la question du rôle de l’islam politique, en particulier d’Ennahdha, dans la gestion de la transition démocratique post-Ben Ali est toujours un sujet de débat. Le procès de Larrayedh pourrait marquer une étape importante dans la clarification des responsabilités des autorités tunisiennes de l’époque.
Les enjeux du procès dépassent largement le cas personnel d’Ali Larrayedh. Si la justice tunisienne parvient à établir des responsabilités claires dans cette affaire, cela pourrait avoir des répercussions sur la crédibilité du parti Ennahdha et sur la perception de son rôle dans la gestion des crises sécuritaires de la Tunisie post-révolution. Le report de l’audience au 22 avril permettra d’approfondir l’analyse des preuves et d’examiner de nouveaux éléments, ce qui pourrait révéler d’autres facettes de cette période troublée de l’histoire du pays.
Lors de l’audience, l’un des avocats de Larrayedh a souligné que le procès ne devrait pas être perçu comme un procès d’Ennahdha, mais plutôt comme un examen des politiques du parti au pouvoir à l’époque. Cela met en lumière la divergence d’interprétations sur la gestion du terrorisme et des départs en zone de guerre. De nombreux experts et observateurs affirment que ce procès pourrait servir à déterminer dans quelle mesure la Tunisie a échoué à prévenir la radicalisation et à contrôler les flux de combattants étrangers vers des zones de conflit, tout en interrogeant la gestion de la transition démocratique après 2011.
L’affaire soulève également des interrogations sur la coopération internationale dans la lutte contre le jihadisme. À une époque où la Tunisie recevait un soutien important de la communauté internationale dans la lutte contre le terrorisme, certains se demandent si les mécanismes de sécurité et de renseignement ont été suffisants pour éviter que des jeunes Tunisiens rejoignent les groupes terroristes. Les résultats du procès pourraient offrir un éclairage crucial sur cette période critique pour le pays.