Le 21 août, deux juges d’instruction parisiens ont rendu une ordonnance de non-lieu en faveur d’Agathe Habyarimana, veuve de l’ancien président rwandais Juvénal Habyarimana. Le parquet national antiterroriste (PNAT) réclamait sa mise en examen pour « entente en vue de la commission du génocide » des Tutsis en 1994, mais les magistrats estiment qu’« il n’existe pas de charges suffisantes » pour justifier de telles poursuites.
Dans leur ordonnance, consultée par l’AFP, les juges soulignent qu’aucun élément probant ne permet d’imputer à Agathe Habyarimana une complicité d’actes de génocide ni une participation à une entente criminelle. Selon eux, elle apparaît avant tout comme une victime de l’attentat qui a coûté la vie à son mari, à son frère et à plusieurs proches. Cette position tranche avec celle du ministère public, qui a aussitôt annoncé son intention de faire appel de la décision.
Depuis plusieurs années, l’instruction autour du rôle d’Agathe Habyarimana a été marquée par de vives tensions entre juges et parquet. Déjà en mai 2025, une ordonnance similaire avait été rendue, confirmant les réticences des magistrats à engager un procès. Pour de nombreuses associations de rescapés, la veuve de l’ancien président était pourtant l’une des figures centrales de l’« akazu », ce cercle rapproché du pouvoir hutu accusé d’avoir planifié et orchestré le génocide. Agathe Habyarimana, exilée en France depuis 1994, réfute fermement ces accusations.
Le parquet national antiterroriste a confirmé son intention de contester la décision. Un appel doit désormais être examiné, ouvrant la possibilité d’un nouveau bras de fer judiciaire. Si la mise en examen était écartée à ce stade, la procédure n’est pas pour autant définitivement close. L’issue dépendra de la capacité des magistrats à réunir des preuves supplémentaires ou à trancher sur la recevabilité des accusations formulées depuis trois décennies.
Pour les rescapés du génocide, cette décision apparaît comme une nouvelle déception. « Le rôle d’Agathe Habyarimana dans l’akazu est connu », rappelle Philibert Gakwenziré, président de l’association Ibuka. Il estime nécessaire de poursuivre le travail judiciaire afin d’éclairer les zones d’ombre et de lever le silence qui, selon lui, a longtemps entouré ce dossier en France.
Sur le plan judiciaire, les juges s’en tiennent à l’absence de charges établies. Mais pour les historiens, les archives, notamment celles examinées par la commission Duclert, laissent apparaître une implication active d’Agathe Habyarimana dans la préparation et le déclenchement du génocide. Cette divergence illustre l’écart persistant entre les exigences de la preuve pénale et la lecture historique d’un des chapitres les plus sombres du Rwanda.