La 13ᵉ conférence de l’International AIDS Society (IAS) sur la science du VIH s’est ouverte le 13 juillet à Kigali, au Rwanda, dans un climat d’urgence. Près de 4 000 experts, chercheurs et responsables de santé publique y débattent des dernières avancées en matière de prévention et de traitement du VIH, alors que le secteur est frappé par une crise financière majeure. En toile de fond : la suspension d’une partie des financements américains, qui met en péril des années de progrès scientifiques.
Le récent rapport de l’Onusida, publié quelques jours avant la conférence, tire la sonnette d’alarme : si les financements ne sont pas restaurés, près de 6 millions de nouvelles infections pourraient survenir d’ici 2029. Kenneth Ngure, président élu de l’IAS, évoque une situation déjà critique. Des essais cliniques financés par l’USAID, comme ceux du réseau Advance sur les vaccins ou l’initiative Matrix sur les traitements préventifs, ont été interrompus brutalement. « Pour contrôler l’épidémie, il nous faut de nouveaux traitements. Or, ces programmes s’arrêtent au pire moment », déplore-t-il.
Depuis plus de deux décennies, la lutte contre le VIH a reposé sur un fragile équilibre entre financements internationaux et capacités nationales. L’Afrique subsaharienne, épicentre de l’épidémie, a bénéficié d’initiatives majeures comme le Pepfar, lancé en 2003 par les États-Unis. Mais cette dépendance est aujourd’hui un talon d’Achille. Le lénacapavir, un antirétroviral injectable tous les six mois, avait suscité de réels espoirs. Son efficacité est prouvée, notamment chez les jeunes femmes. Mais sans les 3 millions de doses promises par Pepfar, son déploiement à grande échelle semble compromis.
Face à ce retrait progressif des soutiens extérieurs, certains pays tentent de prendre le relais. L’Onusida souligne qu’environ 25 États à revenus faibles ou intermédiaires ont augmenté leurs budgets alloués au VIH. Une tendance encourageante, mais qui reste insuffisante pour absorber le choc. Les coûts liés aux nouvelles thérapies, aux infrastructures de distribution et à la recherche dépassent largement les capacités budgétaires de nombreux gouvernements.
Ce que redoutent les scientifiques réunis à Kigali, c’est un scénario de régression : des innovations efficaces, mais inaccessibles ; des programmes pilotes abandonnés ; et, à terme, une résurgence de l’épidémie dans des zones déjà fragilisées. « Il y a un vrai risque de produire d’excellents outils qui resteront bloqués dans les laboratoires, faute de moyens pour les déployer », insiste Kenneth Ngure. À Kigali, les appels à des engagements fermes et durables se multiplient. Car au-delà des chiffres, ce sont des millions de vies qui sont en jeu.