Le gouvernement congolais a présenté, vendredi 16 mai, devant l’Assemblée nationale, un ambitieux projet de réforme de la police nationale. Porté par le vice-Premier ministre en charge de l’Intérieur, Jacquemain Shabani, ce plan de transformation s’étendra sur cinq ans, de 2025 à 2029, et nécessitera un budget global de 2,3 milliards de dollars.
Trois priorités structurent cette réforme. La première concerne la professionnalisation des forces de l’ordre, avec le recrutement et la formation de 90 000 policiers, incluant des unités d’intervention mais aussi des agents de proximité. Cette composante absorbe plus de 72 % du budget total. Le second axe, doté de 600 millions de dollars, vise à renforcer le cadre institutionnel de la police à travers la réorganisation de ses structures. Enfin, un troisième volet, bien moins financé, entend améliorer le dialogue entre la police et les citoyens, avec un peu plus de 51 millions de dollars, soit moins de 3 % du budget.
Ce projet intervient dans un contexte marqué par une défiance persistante envers la police congolaise, régulièrement accusée d’exactions et d’inefficacité. Présente de manière inégale sur le territoire, elle peine à assurer sa mission dans certaines zones sensibles. Les précédentes tentatives de réformes, souvent limitées à des annonces ou à des mesures ponctuelles, n’ont pas permis de transformer en profondeur une institution en crise de légitimité.
Outre les recrutements, le plan prévoit la mise à la retraite de 10 000 policiers d’ici 2028, ainsi que la réhabilitation ou la construction d’infrastructures et l’acquisition d’équipements modernes. Rien que pour cette dernière composante, près d’un milliard de dollars sont alloués. L’objectif affiché est clair : créer une police plus performante, mieux formée, et plus proche des populations, capable de répondre à l’insécurité croissante, notamment dans les grandes agglomérations.
La mise en œuvre d’un tel programme reste toutefois sujette à plusieurs interrogations. Le financement sera-t-il garanti sur toute la durée du projet ? Comment s’assurer que les fonds ne seront pas détournés ? Et surtout, quelle place sera réellement accordée à la refondation du lien entre police et population, dans un pays où les violences policières sont encore trop fréquentes ? Autant de défis qui pèseront sur la crédibilité de cette réforme.
Pour de nombreux observateurs, ce plan pourrait marquer un tournant si le gouvernement parvient à aller au-delà de la simple modernisation logistique. La réforme devra également s’accompagner d’un changement de culture au sein de l’institution, en insistant sur l’éthique, le respect des droits humains et la responsabilité. Sans cela, les milliards investis risquent de ne produire qu’un effet limité sur le terrain.