Moscou a annoncé ce mardi son retrait du Conseil des États de la mer Baltique. Entretien avec Florent Parmentier, secrétaire général du Centre de recherches politiques de Sciences Po (Cevipof).
Le Conseil des États de la mer Baltique a été créé à l’éclatement de l’Union soviétique avec pour objectif une coopération de ses membres sur les questions de stabilité, de développement économique et social, de climat et de sécurité. Suspendu début mars de l’instance, Moscou estime que les Occidentaux « monopolisent ce conseil pour leurs objectifs conjoncturels ».
Quel peut être l’impact de ce retrait ?
Florent Parmentier : Le départ de la Russie du Conseil des États de la mer Baltique (CEMB) est davantage un symbole, le symptôme de la déchirure qui a lieu depuis la guerre en Ukraine, qu’un acte aux répercussions immédiates fortes. Il signe la fin de 30 ans de coopération régionale. La Russie – sa diplomatie actuelle – part du principe qu’il n’est plus nécessaire aujourd’hui d’essayer de coopérer avec les Européens, quels que soient les sujets. Alors qu’on se souvient qu’en 2019 elle avait pesé de tout son poids pour réintégrer le Conseil de l’Europe dont elle avait été suspendue en 2014 ; le départ définitif de la Russie de cette instance en mars dernier est plus encore plus significatif de cette volonté de rupture avec les anciens partenaires européens.
Avec le Conseil des États de la mer Baltique, on a un départ qui illustre la volonté de rompre les liens, mais qui n’est pas très significatif en termes d’impact. Par ailleurs, ce retrait fait suite à la guerre initiée par la Russie en Ukraine, mais aussi par la volonté de rapprochement de la Finlande et de la Suède avec l’Otan. Or, ce que considère la Russie, c’est qu’elle est tout simplement – dans le cadre là – entourée de membres de l’Otan et donc que sa présence n’y est plus ni vitale ni importante pour elle-même.
L’accès à Kaliningrad sera-t-il affecté ?
Non, cette enclave russe coincée entre la Lituanie et la Pologne va conserver son accès à la mer Baltique. Ce qu’il faut observer, c’est qu’une coopération s’était mise en place, avec un certain pragmatisme, au début années 2000, lors de l’élargissement de l’Union Européenne aux trois États Baltes et à la Pologne. Or aujourd’hui, sans surprise, Kaliningrad conserve son positionnement et un certain nombre d’armes, et il est certain que le climat de sécurité de ce territoire s’est passablement dégradé, tout comme l’ensemble de la sécurité de la région.
Qu’est-ce que le départ de la Russie va changer pour le Conseil lui-même ?
Le Conseil avait pour objectif d’inclure les États dans des projets de coopération régionale et des groupes de travail, notamment sur les enjeux sécuritaires, sur le crime organisé, les questions économiques, la politique ou la sûreté nucléaire. La sortie de la Russie rend finalement ce conseil moins intéressant, dans la mesure où les États qui demeurent sont tous membres de l’Union Européenne – à l’exception de l’Islande –, le dixième membre étant la Commission européenne elle-même. Ce sont donc des membres qui coopèrent déjà entre eux par ailleurs.
À ce Conseil des États de la mer Baltique coopèrent en outre des États observateurs – la France avait par exemple demandé un rapprochement il y a quelques années. On retrouve aussi les Royaume-Uni, l’Ukraine ou les États-Unis qui ont d’autres faisceaux de communication. Donc, on peut estimer qu’en tant qu’organisation, le Conseil perd une partie de son intérêt aujourd’hui.