La Russie a officiellement demandé aux autorités centrafricaines de substituer la société militaire privée Wagner par Africa Corps, une nouvelle entité placée sous le contrôle direct du ministère russe de la Défense. Cette demande s’inscrit dans la volonté de Moscou de reprendre la main sur ses opérations sécuritaires en Centrafrique après la mutinerie avortée d’Evguéni Prigojine en juin 2023.
Selon des responsables centrafricains interrogés par l’agence Associated Press, cette transition s’accompagne d’exigences financières claires. Le gouvernement russe demande non seulement que Bangui couvre les coûts liés au personnel d’Africa Corps, mais aussi qu’elle verse à Moscou des sommes importantes, estimées à plusieurs milliards de francs CFA, soit plusieurs millions de dollars. Le vice-ministre russe de la Défense aurait formulé ces demandes lors de plusieurs visites officielles en Centrafrique en début d’année, plaçant ainsi Bangui devant un dilemme politique et économique majeur.
Ce revirement intervient dans un contexte politique déjà fragile en Centrafrique. En 2023, une révision constitutionnelle a ouvert la voie à un troisième mandat pour le président Faustin-Archange Touadéra, une décision vivement contestée par l’opposition et des ONG locales. Depuis 2018, Touadéra s’appuie sur Wagner pour assurer sa protection et renforcer le contrôle gouvernemental sur des zones autrefois dominées par les rebelles de la coalition Séléka. En contrepartie, Wagner a obtenu un accès privilégié aux ressources minières du pays, notamment l’or et les diamants, renforçant ainsi son influence économique et politique.
L’avenir de Wagner en Centrafrique reste incertain. La récente visite de Touadéra à Moscou en janvier 2025 a confirmé la volonté russe de maintenir son soutien, mais aussi de réorganiser sa présence militaire. Pour certains spécialistes, la Centrafrique n’a guère le choix face à cette pression. Ulf Laessing, expert au sein de la Fondation Konrad Adenauer, souligne que « contrairement à Wagner, qui combat aux côtés des forces gouvernementales, Africa Corps privilégie la formation, ce qui pourrait compliquer la coopération entre les deux pays ». Il rappelle également que dans des situations similaires, comme au Mali, les autorités ont été contraintes d’accepter la transition imposée par Moscou.
Enfin, ce changement reflète aussi la nouvelle géopolitique régionale. La France, ancienne puissance coloniale, s’est retirée progressivement après neuf ans d’opération « Sangaris » (2013-2022), ouvrant un vide que Wagner a rapidement comblé. Cette évolution illustre la réorientation des alliances sécuritaires en Centrafrique, au profit de Moscou, dont la mainmise directe via Africa Corps pourrait accentuer la dépendance politique et militaire du pays envers la Russie.