Le Burkina Faso a ouvert une information judiciaire sur les circonstances de la mort d’Alain Christophe Traoré, plus connu sous le nom d’Alino Faso, survenue le 24 juillet à l’école de gendarmerie d’Abidjan où il était détenu depuis janvier. Les autorités ivoiriennes parlent d’un suicide, mais Ouagadougou rejette cette version et dénonce un assassinat, évoquant des faits de torture. Un juge d’instruction burkinabè a été saisi et une enquête est en cours.
Selon le gouvernement burkinabè, aucune notification officielle n’a été faite par la Côte d’Ivoire concernant le décès du cyberactiviste. C’est sur les réseaux sociaux que la nouvelle a émergé, trois jours après sa mort. La famille du défunt, tout comme les autorités burkinabè, s’indignent de ce qu’ils qualifient de mépris diplomatique. Le ministre des Affaires étrangères, Jean Marie Traoré, a convoqué la Chargée d’affaires ivoirienne à Ouagadougou et a exigé le rapatriement immédiat du corps ainsi que toute la vérité sur les circonstances du décès.
Cette affaire intervient dans un contexte de fortes tensions régionales, marqué par le divorce entre l’Alliance des États du Sahel (AES) – Burkina Faso, Mali, Niger – et les institutions communautaires comme la Cédéao et l’UEMOA. La Côte d’Ivoire, qui reste l’un des piliers de ces structures, est perçue par Ouagadougou comme une pièce centrale d’un système que les pays sahéliens cherchent désormais à contourner. Le décès d’Alino Faso, dans ces conditions troubles, cristallise un peu plus les rivalités.
Les conséquences diplomatiques pourraient être lourdes. Le climat de défiance entre le Burkina Faso et la Côte d’Ivoire fragilise les discussions entamées entre l’AES et la Cédéao sur de nouvelles bases de coopération. Fin juillet, les pays sahéliens ont quitté une réunion cruciale de l’UEMOA, soulignant un désaccord profond sur les règles de gouvernance. Le contentieux autour d’Alino Faso pourrait être un point de non-retour pour un dialogue déjà fragile.
Au-delà du volet diplomatique, le cas Alino Faso prend une tournure hautement symbolique. Ancien blogueur devenu figure contestataire, sa mort relance les débats sur la répression des voix dissidentes dans la région. Le gouvernement burkinabè affirme qu’il ne laissera pas l’affaire sans suite. Il insiste sur le fait qu’Alino Faso, bien qu’ayant perdu sa nationalité ivoirienne, reste un citoyen burkinabè à part entière. Cette position, répétée publiquement, traduit une volonté politique d’en faire un cas emblématique.
Dans un espace régional déjà fracturé, cette affaire pourrait accélérer l’éclatement des mécanismes d’intégration ou, à l’inverse, provoquer une prise de conscience sur la nécessité de repenser la coopération entre pays d’Afrique de l’Ouest. À ce stade, aucune médiation n’est annoncée. La suite dépendra autant des conclusions de l’enquête judiciaire que de la volonté des deux États à sortir de la crise par le dialogue plutôt que l’escalade.