Le gouvernement gabonais a annoncé, mercredi 4 juin, la dénonciation unilatérale de l’accord de partenariat de pêche signé en 2007 avec l’Union européenne. Cette décision, prise à l’issue d’un conseil des ministres présidé par Brice Clotaire Oligui Nguema, marque une rupture nette avec une coopération vieille de près de vingt ans. Libreville juge désormais ce cadre défavorable à ses intérêts économiques et environnementaux.
Selon le communiqué officiel, le président de la Transition reproche à l’accord son caractère « déséquilibré » et déplore des retombées économiques marginales pour le pays, alors même que les flottes européennes exploitent largement les ressources halieutiques gabonaises. Le poisson pêché est expédié directement en Europe sans passer par les ports gabonais, privant le pays de toute activité de transformation et de valeur ajoutée locale. Libreville redoute aussi une surexploitation de ses stocks marins, sans contrepartie suffisante en matière d’investissement ou d’emplois.
L’accord signé en 2007 faisait partie des accords dits « de partenariat durable » que l’Union européenne a multipliés avec les pays africains disposant d’un riche potentiel halieutique. Il permettait à des navires battant pavillon européen d’opérer dans les eaux gabonaises moyennant le versement d’une compensation financière. Mais au fil des années, plusieurs États africains, dont la Mauritanie ou le Sénégal, ont exprimé des doutes similaires sur les bénéfices réels de ces accords pour leurs économies locales.
Cette dénonciation pourrait ouvrir une période de flottement dans les relations bilatérales. Libreville affirme toutefois laisser la porte ouverte à une renégociation sur de nouvelles bases. L’ambassadrice de l’Union européenne au Gabon, Cécile Abadie, a exprimé sa « surprise » et sa « déception » face à une décision qu’elle juge contraire à l’esprit de coopération. Elle a néanmoins reconnu la souveraineté du Gabon, tout en appelant à une reprise du dialogue.
Au-delà de l’aspect contractuel, cette rupture s’inscrit dans une stratégie plus large du pouvoir gabonais visant à renforcer sa souveraineté économique. Le nouveau régime, issu du coup d’État d’août 2023, multiplie les gestes de rupture avec l’ancien ordre et cherche à recentrer les bénéfices de ses ressources naturelles sur le territoire national. La pêche, au même titre que le pétrole ou le bois, devient ainsi un enjeu de souveraineté.
Reste à voir si cette prise de position trouvera un écho plus large en Afrique centrale. D’autres pays pourraient être tentés de revoir leurs propres accords de pêche. À court terme, cependant, Libreville devra composer avec les pressions de Bruxelles et les éventuels impacts économiques liés à cette rupture, notamment sur les recettes publiques.