La position délicate de Recep Tayyip Erdogan face aux enjeux russes, ukrainiens et de l’OTAN
Le rapatriement des commandants ukrainiens par le président Volodymyr Zelensky a suscité la colère du Kremlin et mis en lumière le jeu d’équilibre délicat de Recep Tayyip Erdogan. En autorisant ce départ, le président turc savait qu’il provoquerait la fureur de Moscou. Alors, pourquoi une telle décision ?
Les négociations entre la Turquie et l’Ukraine ont permis le retour des membres du régiment Azov en Ukraine, tandis que Volodymyr Zelensky effectuait une visite à Istanbul. La position dite “d’équilibre” de Recep Tayyip Erdogan entre Kiev et Moscou lui offre des avantages indéniables, lui conférant notamment un rôle d’acteur incontournable sur la scène internationale. En étant un artisan majeur de l’accord sur l’évacuation des bateaux céréaliers en mer Noire récemment, Erdogan se trouve néanmoins constamment sous pression des deux camps. Selon le contexte, il doit donner des gages à l’un ou à l’autre.
Le soutien clair de la Turquie à l’adhésion de l’Ukraine à l’OTAN, exprimé lors de la visite de Volodymyr Zelensky à Istanbul, ne relève pas du hasard. Cette visite intervient à quelques jours d’un sommet de l’OTAN à Vilnius et marque la première visite de Zelensky en Turquie depuis l’invasion russe de son pays en février 2022. Erdogan estime que l’Ukraine “mérite” de rejoindre l’Alliance atlantique et appelle les deux pays, Russie et Ukraine, à retourner à la table des négociations pour la paix.
En cherchant à soulager la pression exercée par ses alliés de l’OTAN avant le sommet de Vilnius, Recep Tayyip Erdogan prend le risque d’irriter la Russie. Cela démontre sa marge de manœuvre vis-à-vis de Moscou, notamment en bloquant l’adhésion de la Suède à l’OTAN en raison de sa prétendue proximité avec les “terroristes” kurdes du PKK. Cette action semble être un moyen pour la Turquie de retarder l’adhésion de la Suède à l’OTAN et de montrer qu’elle fait des efforts en faveur de l’alliance occidentale, malgré le jeu d’équilibre et d’équilibriste qu’elle mène depuis le début du conflit.
Bien que cette initiative ne signifie pas un réalignement complet de la Turquie sur l’Occident, elle témoigne de la volonté de Tayyip Erdogan de tirer des bénéfices importants à long terme en jouant un jeu de balancier délicat. Certains y voient un rapprochement avec l’Europe, notamment parce qu’Erdogan réalise qu’il s’est trop éloigné de l’Occident. Quels que soient les intérêts de la Turquie, son avenir et sa puissance restent, selon eux, davantage liés à l’Occident qu’à la Russie.