Le Maroc affirme de plus en plus ses ambitions militaires en Afrique du Nord et dans la région sahélo-saharienne. Selon un rapport conjoint de la Fondation Konrad Adenauer et du think tank marocain Global Governance & Sovereignty Foundation, Rabat met en œuvre une stratégie militaire structurée, centrée sur les drones, la cyberguerre, et la diversification de ses partenariats.
La pièce maîtresse de ce plan est l’intégration croissante des drones dans l’appareil militaire. Après avoir acquis 19 drones turcs Bayraktar TB2 et Akinci, utilisés notamment pour la surveillance et la lutte contre les groupes séparatistes, le Maroc entend aller plus loin : un centre de maintenance et de production Baykar doit ouvrir sur son sol dès 2025. Cette montée en gamme s’accompagne d’investissements dans la guerre électronique et les technologies cyber, grâce à un écosystème technologique national de plus en plus structuré.
Cette stratégie ne naît pas dans le vide. Le Maroc évolue dans un environnement régional marqué par une rivalité persistante avec l’Algérie, des tensions sécuritaires au Sahel, et des enjeux géopolitiques autour du Sahara occidental. L’armée marocaine, déjà bien équipée par des partenaires occidentaux, cherche désormais à réduire sa dépendance, à renforcer sa souveraineté technologique et à sécuriser des zones stratégiques comme le détroit de Gibraltar.
Les prochaines années devraient voir le Maroc consolider ses capacités navales et cybernétiques. La commande d’une nouvelle frégate auprès de l’Espagnol Navantia illustre cette volonté de projection en mer. Par ailleurs, les coopérations militaires avec des pays comme la Chine ou l’Inde traduisent une volonté d’élargir les alliances et d’accroître l’autonomie stratégique. Cette dynamique pourrait repositionner Rabat comme un partenaire sécuritaire majeur pour l’Europe, notamment dans le cadre du contrôle migratoire et de la lutte contre le terrorisme.
En misant sur les drones, la cyberdéfense et la fabrication locale, le Maroc adopte une approche hybride : dissuasion technologique et intervention ciblée. L’objectif affiché est clair : se doter d’une armée capable non seulement de défendre ses frontières, mais aussi d’intervenir de manière efficace dans des contextes régionaux instables, tout en renforçant sa capacité à opérer dans des coalitions internationales.
Cette transformation suppose toutefois des défis importants. La montée en compétence des forces marocaines, l’intégration des technologies dans les doctrines militaires, la gestion des alliances multiples et les contraintes budgétaires liées à ces ambitions doivent être maîtrisées. Sans oublier la nécessité de transparence sur le plan des droits humains et du contrôle démocratique des forces armées, pour éviter toute dérive dans l’usage de ces nouvelles capacités.