Le procès concernant le financement libyen de la campagne présidentielle de 2007 de Nicolas Sarkozy entre dans sa phase décisive, avec le début des réquisitions du parquet financier ce mardi 25 mars. L’ex-président français et onze coaccusés, dont trois anciens ministres, sont accusés d’avoir conclu un « pacte de corruption » avec le régime de Mouammar Kadhafi pour obtenir des fonds en vue de la campagne. Les réquisitions, attendues pendant deux jours et demi, détermineront si des peines de prison et d’amende sont requises pour les accusés.
Les faits reprochés sont d’une extrême gravité. Selon l’accusation, le financement libyen aurait été obtenu par des canaux secrets en 2005, grâce à l’intermédiaire Ziad Takieddine. Ce dernier a été au cœur des rencontres clandestines entre des responsables français et des dignitaires libyens, visant à soutenir la campagne de Nicolas Sarkozy. Le parquet a d’ailleurs qualifié ce « pacte de corruption » d’inconcevable et d’indécent, soulignant qu’il a été conclu avec un régime répressif, celui de Kadhafi, et qu’il a risqué de dénaturer l’élection présidentielle de 2007. Sarkozy lui-même risque jusqu’à dix ans de prison et 375 000 euros d’amende si les accusations se confirment.
Le financement de la campagne de Nicolas Sarkozy par la Libye s’inscrit dans un contexte international complexe. En 2005, la France et la Libye étaient en pleine reconquête de relations diplomatiques après plusieurs années de tensions. Le dictateur Kadhafi, après avoir renoncé à son programme nucléaire, cherchait à améliorer ses relations avec les puissances occidentales. Les autorités françaises, de leur côté, étaient attentives à maintenir une relation privilégiée avec le régime libyen, tout en évitant d’éventuelles critiques internationales. Cette entente secrète entre la Libye et la France n’a été rendue publique que plusieurs années plus tard, notamment grâce aux révélations de Mediapart.
Ce procès pourrait avoir des répercussions significatives sur l’image de l’ancienne présidence et du système politique français. Si les accusations sont confirmées, cela pourrait remettre en question la légitimité de l’élection présidentielle de 2007, qui a vu l’accession au pouvoir de Nicolas Sarkozy. Par ailleurs, l’implication d’anciens ministres et de hauts fonctionnaires fragiliserait encore davantage la crédibilité des institutions françaises et interrogerait sur l’intégrité du financement des campagnes électorales en général. Le verdict attendu pourrait également influencer la perception de la France à l’international, notamment dans ses relations avec l’Afrique du Nord et les pays de la région.
La défense de Nicolas Sarkozy, qui a affirmé à plusieurs reprises l’absence de preuves concrètes dans cette affaire, continue de se baser sur le rejet des accusations. L’ex-président a qualifié le dossier de « vide » et a insisté sur son ignorance des faits. Cependant, les éléments présentés par l’accusation, notamment les voyages de Brice Hortefeux et Claude Guéant en Libye en 2005, compliquent la défense. Ces déplacements sont jugés comme des points de départ d’un complot pour obtenir des fonds en échange de contreparties, ce qui fragilise les affirmations des accusés.
Un autre aspect clé du réquisitoire réside dans le rôle de Béchir Saleh, ancien proche de Kadhafi, qui aurait été exfiltré à deux reprises vers la France après sa capture en Libye. Ce témoignage pourrait constituer un élément crucial dans la démonstration de l’implication des autorités françaises dans cette affaire. Nicolas Sarkozy a reconnu avoir donné son accord pour la première exfiltration de Béchir Saleh, un fait qui nourrit davantage les accusations de corruption et de collusion entre le régime de Kadhafi et le pouvoir français à l’époque.