Le président de la Sierra Leone, Julius Maada Bio, a été désigné ce 22 juin à Abuja pour diriger la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (Cédéao). Il prend la relève du Nigérian Bola Ahmed Tinubu à un moment délicat pour l’organisation régionale, confrontée à des défis sécuritaires, politiques et institutionnels de grande ampleur.
Dans son premier discours, Maada Bio a clairement défini ses priorités : restauration de l’ordre constitutionnel, lutte contre l’insécurité, et relance de l’intégration économique. « Notre région est à la croisée des chemins », a-t-il averti, appelant à une réponse collective face aux menaces qui gangrènent la zone : terrorisme, trafics d’armes, instabilité politique et criminalité transnationale. La création d’une force régionale antiterroriste a été évoquée, mais reste à concrétiser.
L’élection de Maada Bio n’était pas acquise. Elle marque une inflexion : la tradition non écrite d’alternance entre chefs d’État francophones, anglophones et lusophones a été écartée. Le Sénégalais Bassirou Diomaye Faye faisait pourtant figure de favori, avant d’être écarté au profit d’un second anglophone consécutif. Derrière cette désignation, des tensions se sont exprimées à huis clos entre les dirigeants ouest-africains, révélant des lignes de fracture persistantes au sein de l’organisation.
La tâche du nouveau président en exercice s’annonce ardue. Il devra renouer le dialogue entre États membres, notamment sur le dossier brûlant du retrait annoncé du Mali, du Burkina Faso et du Niger. Ces trois pays gouvernés par des juntes militaires, regroupés au sein de l’Alliance des États du Sahel (AES), ont enclenché un processus de sortie qui doit être formalisé fin juillet. Une équipe de négociation a été nommée à cet effet, mais l’unité de la Cédéao est déjà fragilisée.
Pendant ce temps, la situation sécuritaire ne cesse de se dégrader. Le Sahel et les pays côtiers subissent une intensification des attaques jihadistes. Au Mali, des postes militaires sont régulièrement ciblés. Au Burkina Faso, l’insécurité touche jusqu’aux centres urbains. Le Niger enregistre de lourdes pertes dans ses rangs. Même le Nigeria n’échappe plus à cette spirale de violences. Face à ce constat, le futur de la force d’attente reste incertain et dépendra de la volonté politique réelle des États.
Enfin, à cinquante ans d’existence, la Cédéao peine à concrétiser l’un de ses grands projets fondateurs : la monnaie unique. Le chantier, souvent relégué au second plan, devrait pourtant figurer parmi les dossiers prioritaires de Maada Bio. La crédibilité de l’organisation en dépend, tout comme sa capacité à redevenir un moteur d’intégration et de stabilité dans une région en perte de repères.