Le président américain Donald Trump a signé un décret interdisant l’entrée sur le sol américain aux ressortissants de douze pays, dont sept situés en Afrique : le Tchad, le Congo-Brazzaville, la Guinée équatoriale, l’Érythrée, la Libye, la Somalie et le Soudan. En guise de représailles, le Tchad a annoncé la suspension immédiate de l’octroi de visas aux citoyens américains, dénonçant une décision arbitraire et injustifiée.
Officiellement, cette mesure vise à « protéger » les États-Unis contre de supposés « terroristes étrangers », selon les mots de Trump. L’attaque perpétrée à Boulder, dans le Colorado, par un Égyptien, a été citée comme justification. Pourtant, l’Égypte ne figure pas sur la liste. Le décret accuse certains pays d’avoir des taux élevés de dépassement de visas, ou de ne pas réadmettre leurs ressortissants expulsés. Washington reproche aussi à des États comme la Libye, le Soudan ou la Somalie de manquer de gouvernance efficace. La Somalie est même explicitement désignée comme « refuge pour les terroristes ».
Ce type de mesure n’est pas nouveau. Dès 2017, Donald Trump avait instauré un précédent avec un « Muslim ban » controversé. Ce retour en force de la politique migratoire restrictive s’inscrit dans une stratégie électorale fondée sur la peur sécuritaire. Mais la portée du décret de 2025 est plus large et touche désormais un nombre inédit de pays africains. L’Afrique est ainsi la région la plus affectée par cette décision.
Face à cette stigmatisation, N’Djamena n’a pas tardé à réagir. Sur Facebook, le président Mahamat Idriss Déby a dénoncé une atteinte à la souveraineté du Tchad et ordonné la suspension des visas pour les ressortissants américains. « Le Tchad n’a ni des avions ni des milliards de dollars à offrir, mais il a sa dignité », a-t-il martelé. D’autres pays africains, pris au dépourvu, restent pour l’instant dans l’attente, tout en cherchant un dialogue diplomatique pour clarifier leur position.
La Commission de l’Union africaine s’est dite « préoccupée » par les conséquences de cette mesure sur les relations entre le continent et les États-Unis. De son côté, le Haut-Commissariat des Nations unies aux droits de l’homme, par la voix de Volker Türk, dénonce une interdiction « large et discriminatoire » contraire au droit international. Il alerte également sur le risque de stigmatisation et de xénophobie accrue envers les ressortissants des pays ciblés.
Donald Trump a toutefois laissé entendre que la liste pourrait être revue si certains États acceptaient de coopérer avec Washington. Une ouverture ambigüe, perçue par plusieurs capitales africaines comme un chantage diplomatique. La véritable intention du décret semble moins liée à la lutte antiterroriste qu’à une instrumentalisation politique de la migration, à quelques mois d’une nouvelle échéance électorale américaine.
Selon l’ONU, a fermeture du territoire américain par Donald Trump « suscite des inquiétudes au regard du droit international »
La décision de Donald Trump de fermer le territoire américain aux ressortissants de 12 pays à partir de lundi « suscite des inquiétudes au regard du droit international », a déclaré jeudi 5 juin le Haut-Commissaire de l’ONU aux droits de l’homme, Volker Türk. « La portée très large et générale de la nouvelle interdiction de voyager suscite des inquiétudes au regard du droit international, notamment du principe de non-discrimination et de la nécessité et de la proportionnalité des mesures déployées pour répondre aux préoccupations exprimées en termes de sécurité », a écrit Volker Türk dans un courriel transmis à l’AFP par ses services.
Mais au-delà de l’annonce de la fermeture des frontières aux ressortissants de ces 12 pays et des restrictions imposées à sept autres États, le Haut-Commissaire s’inquiète du langage utilisé par le président américain, qui parle en particulier de « protéger les États-Unis face aux terroristes étrangers ». M. Türk, qui reconnaît que chaque Etat à le droit de gérer ses frontières dans le respect du droit international, juge « profondément regrettables » ces déclarations officielles « dénigrant les personnes concernées par cette mesure ».
Il estime qu’elles « risquent de contribuer à la stigmatisation des ressortissants des pays concernés, tant aux États-Unis qu’ailleurs, et d’accroître leur exposition à l’hostilité et aux abus xénophobes ».