Le 2 janvier, deux organisations de la société civile kényane, le Centre de Mathare pour la justice sociale et Kituo Cha Sheria, ont déposé un recours devant la Haute Cour de Milimani à Nairobi. Leur objectif : contraindre la procureure générale du Kenya à porter la question des enlèvements présumés, attribués aux forces de l’ordre, devant la Cour pénale internationale (CPI). Ces disparitions forcées sont dénoncées comme constituant des crimes contre l’humanité.
Les plaignants s’appuient sur l’article 7 du Statut de Rome, qui définit les disparitions forcées, lorsqu’elles servent d’outil de répression politique, comme des crimes contre l’humanité. Leur avocat, John Khaminwa, souligne que ces pratiques, imputées à la police nationale, sont systématiques et prolongées, soulignant ainsi leur gravité et leur caractère organisé.
Depuis plus d’une décennie, les organisations locales documentent les disparitions forcées, sans réponse effective des autorités. Dans un communiqué, elles accusent la police de ne pas assumer son rôle. « Même l’inspecteur général a reconnu récemment l’incapacité de la police à enquêter sur ces enlèvements », précise le document. Cette inaction alimente un climat d’impunité qui exacerbe la méfiance envers les institutions sécuritaires.
Le récent enlèvement de six influenceurs, survenu à la veille de Noël, a provoqué un tollé au sein de la société civile. Pour Gacheke Gachihi, coordinateur du Centre de Mathare, ces événements marquent un point de non-retour. « Cela fait plus de dix ans que ce problème persiste, sans que rien ne change. Il s’agit d’un problème systémique », déplore-t-il.
Face à la pression croissante, la justice kényane a convoqué l’inspecteur général de la police et le secrétaire de cabinet du ministère de l’Intérieur pour une audience prévue le 8 janvier. Ils devront répondre sur le sort des disparus et sur les mesures prises pour résoudre cette crise.
Les démarches des ONG kényanes traduisent une mobilisation plus large contre les abus des forces de l’ordre. En dénonçant les violations des droits humains, elles espèrent briser le cycle de l’impunité et faire pression sur les autorités pour engager des réformes profondes. Cette action pourrait également servir de précédent pour d’autres pays africains confrontés à des problèmes similaires.