Dans l’est de la RDC, alors que l’attention est orientée essentiellement vers le M23, d’autres groupes tuent, violent et pillent également. C’est le cas des ADF. Ce groupe d’origine ougandaise qui a prêté allégeance au groupe État islamique endeuille les populations du Nord-Kivu et de l’Ituri. Depuis le 6 mars, les attaques des ADF ont fait au moins 118 victimes parmi les civils, selon les chiffres de l’ONU.
C’est toujours le même mode opératoire : les rebelles ADF attaquent, tuent, pillent des villages, incendient des maisons et se retirent avec des otages.
Les violences de ces dernières semaines se sont principalement concentrées à une vingtaine de km au sud de la ville de Beni, dans la province du Nord-Kivu. Une zone censée être protégée par l’armée congolaise et les troupes de la Monusco.
Depuis ce regain de violence, une partie de la société civile demande une intervention des troupes de la coalition des armées congolaise et ougandaise (FARDC-UPDF), habituellement déployées plus à l’est. Cette coalition est considérée comme plus équipée et plus efficace que les troupes de l’armée congolaises et des casques bleus.
Le tout dans un contexte marqué par l’hostilité d’une partie de la population contre les troupes onusiennes, qui ne leur permette pas toujours un déploiement aisé.
Une évaluation des opérations conjointe FARDC-UPDF est envisagée pour le début du mois d’avril. Parmi les problèmes qui vont être examinés : la coordination entre FARDC et UPDF, et entre cette coalition et la Monusco, mais aussi la gestion des effectifs de l’armée congolaise étalée sur plusieurs fronts et dans plusieurs provinces.
Plusieurs centaines de représentants des différentes communautés se retrouvent depuis mardi à Bukavu autour d’une table ronde sur la paix et le développement de la province du Sud-Kivu. Ces assises de quatre jours, visent à aplanir les divergences et trouver des pistes de solution pour une paix durable dans cette région souvent minée par des conflits intercommunautaires. Elles sont organisées par la Ligue des leaders pour la paix et le développement (une structure de la société civile), en collaboration avec la Maison civile du président Félix Tshisekedi. Le Sud-Kivu connait des conflits armés intercommunautaires mais pas une guerre déclarée ouvertement comme c’est le cas au Nord-Kivu.
Au cœur des discussions, la gouvernance, la sécurité et la cohésion sociale, la gestion des terres et des ressources minières, souvent à l’origine des conflits socio-économiques et politiques dans cette province. Joseph Nkinzo coordonne la Ligue des leaders pour la paix et le développement, il explique la particularité de cette table ronde par rapport aux autres déjà organisées :
« Sa particularité est l’implication de la République au sommet. On a connu beaucoup de conférences et des forums de paix, mais on n’avait pas senti l’implication du chef de l’État personnellement, et des institutions de la République. Toutes les instances sont impliquées, et le chef de l’État attend de ces assises un pacte républicain avec un agenda de développement de la province du Sud-Kivu pour cette décennie 2023–2033 ».
Une question de volonté
Cette table ronde analyse aussi les relations géostratégiques et diplomatiques du Sud-Kivu dans la région des Grands Lacs, et d’autres questions socio-culturelles. Membre de la communauté banyamulenge et acteur de la société civile, Tharcisse Kahayira reste optimiste : « Chaque initiative de paix est à louer, et il est toujours important d’être optimiste. Maintenant c’est à chacun de faire un effort. Il faut qu’on s’implique dans le changement. »
Le premier vice-président de la commission défense et sécurité de l’Assemblée nationale, le professeur Jacques Djoli, exhorte à une dose de bonne volonté pour que le Sud-Kivu s’inscrive dans la logique du programme gouvernemental de développement de ses 145 territoires : « Nous avons tout pour faire du Sud-Kivu, non pas l’épicentre des conflits ou de la capitale mondiale des viols mais de faire du Sud-Kivu l’épicentre du développement parce que son développement va embraser celui du Maniema, du Nord-Kivu… Donc tout est question de vision, tout est question de volonté. »
Les participants en ont profité pour condamner la guerre au Nord-Kivu voisin, et encourager tous les efforts pour y restaurer la paix.