Les tisserands ghanéens de Kenté, célèbre tissu traditionnel aux motifs colorés, sont confrontés à une inquiétante prolifération d’imitations venues de l’étranger. Produites principalement en Chine, ces répliques envahissent les marchés locaux, mettant en péril le savoir-faire artisanal transmis depuis des générations.
Les artisans, comme Emmanuel Osei, 39 ans, qui passe cinq mois à tisser un seul Kenté, se sentent démunis face à cette concurrence. “Tisser du Kenté prend énormément de temps. Voir ces imitations produites en quelques minutes par des machines est décourageant”, confie-t-il. La rapidité et le coût réduit des imitations perturbent profondément le marché du Kenté.
Nanette Bossman, commerçante à Bonwire, souligne que cette concurrence est exacerbée par les Ghanéens eux-mêmes, qui envoient les motifs aux producteurs étrangers. La crise économique a considérablement réduit le pouvoir d’achat, poussant les consommateurs à se tourner vers ces versions bon marché. Eric Kwarteng, responsable du centre des tisserands de Bonwire, appelle à une intervention gouvernementale pour saisir ces imitations.
Face à cette situation, Michelle Okyere, avocate spécialisée en propriété intellectuelle, propose une protection par l’indication géographique. “Le Kenté doit être produit dans des zones spécifiques pour pouvoir être appelé ainsi”, explique-t-elle. Cette solution vise à préserver l’authenticité du Kenté tout en empêchant l’utilisation abusive de son nom.
La part de l’industrie textile dans le PIB du Ghana a drastiquement chuté, passant de 179 millions de dollars en 1994 à seulement 53 millions de dollars en moins de 20 ans. Cette baisse illustre l’impact économique des imitations sur le marché du Kenté et l’ensemble de l’industrie textile ghanéenne.
Pour mieux protéger ce patrimoine culturel, des mesures législatives plus adaptées sont nécessaires. La protection par l’indication géographique, comme suggéré par Michelle Okyere, pourrait offrir une meilleure reconnaissance et valorisation du Kenté authentique, tout en dissuadant les imitations. “Cela n’empêche pas les copies, mais les empêche de s’appeler Kenté”, conclut-elle.