Pour la première fois, le 24 octobre 2024, la justice française a examiné si l’État français avait une part de responsabilité dans le génocide des Tutsis au Rwanda en 1994. Le tribunal administratif de Paris a étudié des accusations de « complicité » portées contre l’administration française par des associations et des survivants du génocide. Cette audience, sans précédent, pourrait remettre en question le rôle présumé de la France dans cette tragédie.
Les plaignants, qui incluent deux associations et une vingtaine de survivants, accusent l’État français d’avoir soutenu un régime génocidaire grâce à des accords d’assistance militaire et à des opérations controversées comme les opérations Amaryllis et Turquoise. Ils reprochent aussi à l’État d’avoir abandonné des civils sur les collines de Bisesero. Philippe Raphael, un juriste qui a travaillé sur le dossier, demande que ces actions soient reconnues comme des « fautes systémiques » et que la complicité de la France dans le génocide soit officiellement établie.
Pour mieux comprendre cette audience, il est important de rappeler le contexte. Depuis des années, la France est accusée de ne pas avoir agi pour empêcher le génocide des Tutsis au Rwanda, voire d’avoir soutenu le régime en place à cette époque. Jusqu’à présent, les démarches judiciaires n’ont jamais abouti, surtout devant la justice pénale. Cette fois-ci, c’est par le biais de la justice administrative que l’affaire est portée, en visant l’administration française comme institution.
L’audience a été marquée par des débats tendus entre les avocats des plaignants et le ministère des Armées. Le ministère a soutenu que le tribunal administratif n’avait pas la compétence nécessaire pour juger cette affaire, car il s’agissait d’« actes de gouvernement », c’est-à-dire des décisions politiques qui, selon la jurisprudence, ne peuvent pas être jugées. Le rapporteur public a appuyé cette position, mais les plaignants ont fait valoir que certains actes, notamment ceux impliquant une complicité dans un génocide, devraient pouvoir être examinés par la justice.
La décision du tribunal est très attendue. Si la justice reconnaît une responsabilité de l’État français, cela pourrait mener à des réparations financières importantes, jusqu’à 500 millions d’euros réclamés par les plaignants. De plus, une telle décision aurait un impact majeur sur l’image de la France et ses relations avec le Rwanda.
La décision est prévue pour le 14 novembre 2024. Quel que soit le résultat, cette audience marque un tournant important dans la quête de justice pour les victimes du génocide rwandais. Elle pose aussi la question de la responsabilité des grandes puissances dans les conflits internationaux. Une condamnation de la France pourrait être un événement historique et créer un précédent pour les années à venir.