Le président malgache Andry Rajoelina a affirmé, le 3 octobre, que les manifestations qui agitent Madagascar depuis le 25 septembre relèvent d’une « tentative de coup d’État ». Dans une allocution diffusée sur sa page Facebook, il a accusé des « pays et agences » d’avoir financé le mouvement de contestation, qui s’est déclenché à l’origine pour dénoncer les coupures répétées d’eau et d’électricité. Dans la capitale, Antananarivo, les mobilisations se poursuivent malgré la répression par gaz lacrymogènes.
Selon le chef de l’État, la « Gen Z » malgache, en première ligne des manifestations, n’agit pas de manière autonome mais sous l’influence d’opposants politiques et d’acteurs extérieurs. « Des politiciens ont abusé de cette situation pour mener un coup d’État », a-t-il déclaré, ajoutant que la contestation aurait débuté alors qu’il participait à l’Assemblée générale des Nations unies à New York. Rajoelina a également évoqué des « cyberattaques » et l’usage de « robots » sur les réseaux sociaux destinés à manipuler la jeunesse.
La crise survient dans un climat marqué par des difficultés économiques et des services publics défaillants. Les coupures d’eau et d’électricité, fréquentes dans le pays, ont cristallisé la colère des habitants, particulièrement des jeunes urbains. Les accusations du président interviennent dans un contexte de méfiance accrue envers les institutions, où l’opposition dénonce régulièrement une gouvernance autoritaire et des inégalités sociales profondes.
En liant les manifestations à une manœuvre de déstabilisation orchestrée depuis l’étranger, Andry Rajoelina cherche à délégitimer le mouvement. Mais cette stratégie pourrait accroître le fossé entre le pouvoir et une partie de la jeunesse, déjà désabusée par les promesses non tenues. Si les mobilisations se poursuivent, elles pourraient fragiliser le président sur la scène nationale et accentuer les tensions avec ses adversaires politiques.
Les propos de Rajoelina ont suscité de vives réactions. Des jeunes manifestants, interrogés par RFI, dénoncent un discours condescendant et affirment que leur mobilisation exprime un ras-le-bol partagé par toute la population. « Il nous infantilise », a réagi l’un d’eux, en estimant que le président refuse de reconnaître les frustrations sociales réelles. Les réseaux sociaux se sont emparés des déclarations sur les « robots », donnant lieu à des détournements et à des critiques ironiques.
Cette crise révèle également un clivage culturel entre générations. Dans une société où les aînés sont traditionnellement considérés comme dépositaires de la sagesse, la mobilisation des jeunes vient bousculer l’ordre établi. Pour de nombreux observateurs, la défiance exprimée dans la rue traduit moins une manipulation extérieure qu’un réveil politique d’une jeunesse qui veut peser dans le débat national.