À l’Assemblée nationale de Madagascar, la fronde s’organise pour contrer le gouvernement. Le mercredi 7 décembre, plus des deux-tiers des députés déposaient une motion de censure contre le gouvernement du Premier ministre, Christan Ntsay, reprochant, entre autres, la non réalisation des projets inscrits dans la politique générale de l’État, l’ingérence de l’exécutif dans les affaires internes de la Chambre basse ainsi que la recrudescence des actes de corruption.
La motion de censure aurait dû être soumise au vote, vendredi 9 décembre mais, coup de tonnerre, après un violent rappel à l’ordre des députés de la majorité par le président de la République en personne, la présidente de la Chambre basse annonçait, jeudi 8 décembre, que la motion de censure était irrecevable.
Toute la journée du vendredi, entre les murs de l’Assemblée nationale, les tractations se sont succédées pour finalement arriver à un accord unanime: les députés refusent la tenue des habituelles « questions au gouvernement ».
Mamy Rabenirina, troisième questeur à l’Assemblée nationale et député du TIM, parti de Marc Ravalomanana, n’en démord pas: « Pour nous, députés, le gouvernement n’est plus légitime. […] Si le vote avait eu lieu ce vendredi, à l’heure qu’il est, le gouvernement aurait été obligé de déposer sa démission, conformément au texte. Je pense que tout le monde était conscient de cela et c’est la raison pour laquelle l’exécutif a essayé, par tous les moyens, de bloquer la motion. »
La présidente de l’Assemblée violemment prise à parti
Hors des micros, les députés de l’IRD, parti du président Andry Rajoelina, racontent en effet comment le mercredi soir, ils ont été convoqués par le chef de l’État en personne pour les pousser à revenir sur leur décision de destituer le gouvernement. Au cours de cette réunion à huis clos, la présidente de l’Assemblée nationale aurait été très violemment prise à parti par Rajoelina, devant la soixantaine de députés du parti, médusés.
« Notre présidente Christine Razanamahasoa a été humiliée et ça, on ne le tolère pas. […] Elle nous a fait part de ses intentions de démissionner mais nous venons de décider, au sein du bureau permanent, que nous lui accordions notre confiance et que nous refusions qu’elle démissionne », raconte l’un des membres du bureau permanent, élu sous la bannière IRD.
La cheffe de l’Assemblée nationale n’a pas démissionné mais la motion de censure, elle, a bien été déboutée, au motif, peut-on lire dans un communiqué publié à l’issue de la réunion à huis clos, « qu’elle ne respecte pas les dispositions constitutionnelles en vigueur ».
« Fracture »
Qu’à cela ne tienne. Pour contre-attaquer, les députés ont décidé à l’unanimité d’annuler les questions au gouvernement prévues la semaine prochaine, explique Eléonore Johasy, députée indépendante: « Ce refus du “face-à-face” est le reflet d’une fracture entre deux institutions, le gouvernement qui est le pouvoir exécutif et le Parlement qui est le pouvoir législatif. Oui c’est légal. C’est une manière de marquer cette séparation des pouvoirs. Nous sommes maîtres à bord dans la conduite des affaires de l’Assemblée nationale. »
Toutefois, la motion de censure continue de planer au-dessus de la Chambre basse. « Nous ne l’avons pas abandonnée. Tôt ou tard, elle reviendra sur le devant de la scène », confient avec certitude, deux députés
RFI