Le gouvernement malgache s’apprête à réviser sa législation sur les grands investissements miniers en doublant le seuil d’éligibilité de 50 à 100 millions de dollars. Cette réforme, baptisée “Loi sur les grands projets d’exploitation miniers” (LGPE), vise à attirer 20 nouveaux projets d’envergure d’ici cinq ans, conformément aux objectifs fixés dans la Politique générale de l’État en 2024.
La nouvelle législation offrira un ensemble d’incitations particulièrement attractives aux investisseurs capables de mobiliser plus de 100 millions de dollars. Ces avantages incluent des réductions d’impôts substantielles et l’exonération des droits de douane pour l’importation d’équipements nécessaires aux projets miniers. Le méga-projet Base Toliara, estimé à 1 milliard de dollars et prévu pour extraire près d’un million de tonnes de minerai par an près de Tuléar, figure parmi les premiers bénéficiaires potentiels de ce nouveau cadre législatif.
Madagascar dispose d’un potentiel minier considérable mais peine à transformer cette richesse naturelle en développement économique tangible. Depuis l’adoption de la première loi sur les grands investissements miniers en 2005, le pays cherche à équilibrer attractivité pour les investisseurs étrangers et bénéfices pour l’économie nationale. Le relèvement du seuil d’investissement s’inscrit dans cette logique d’optimisation, même si cette approche soulève des interrogations sur l’accès des entreprises locales à ces avantages.
En échange des facilitations fiscales accordées, l’État malgache impose des obligations strictes en matière d’emploi local. Le code minier maintient l’exigence d’un minimum de 80% d’employés malgaches contre 20% maximum d’expatriés. “L’objectif est d’utiliser le secteur minier comme un levier de développement économique et social”, explique le ministre des Mines Olivier Rakotomalala, qui insiste sur la nécessité de créer des emplois et de générer des devises par l’exportation.
Bien que la transformation locale des minerais bruts ne constitue pas une condition d’éligibilité à la nouvelle loi, le gouvernement l’encourage par des abattements fiscaux spécifiques. Cette approche pragmatique reconnaît les défis énergétiques du pays. “L’ajout de valeur est très important mais la transformation nécessite beaucoup d’énergie. Si nous ne pouvons pas en fournir suffisamment, cela implique un investissement supplémentaire pouvant impacter la rentabilité des projets”, reconnaît le ministre Rakotomalala.
L’organisation Publiez ce que vous Payez et d’autres acteurs de la société civile malgache s’inquiètent de cette réforme qu’ils perçoivent comme favorable aux seuls investisseurs étrangers. Le nouveau seuil de 100 millions de dollars apparaît en effet quasi-inaccessible aux entreprises malgaches, soulevant des questions sur l’équité du dispositif. Le texte, qui doit être soumis au Parlement en octobre 2025, cristallise ainsi les tensions entre impératifs d’attractivité internationale et développement économique endogène.
Cette révision législative traduit l’ambition du gouvernement malgache de faire du secteur minier un moteur de croissance. Cependant, elle révèle aussi les contradictions inhérentes à une économie en développement : attirer les capitaux étrangers tout en préservant les intérêts nationaux, moderniser l’industrie extractive sans disposer des infrastructures énergétiques adéquates, et concilier impératifs économiques et préoccupations sociales.