Dix jours après l’investiture de Michael Randrianirina comme « Président de la Refondation », Madagascar connaît enfin son nouveau gouvernement. Composée de 29 ministres, l’équipe dévoilée le 28 octobre se veut l’incarnation d’un tournant politique après des mois de contestation. Le chef de l’État promet une rupture avec les pratiques du passé et une relance de la confiance nationale. Mais derrière ce discours, les observateurs s’interrogent sur la réelle capacité de ce gouvernement à incarner le changement.
Le nouveau cabinet mêle figures connues et visages émergents. Hanitra Razafimanantsoa, proche de l’ancien président Marc Ravalomanana, devient ministre d’État chargée de la Refondation. Christine Razanamahasoa, ex-alliée de Rajoelina, reprend les Affaires étrangères, tandis que le général Lylison René hérite de l’Aménagement du territoire. À leurs côtés, Fanirisoa Ernaivo, magistrate exilée et opposante au régime précédent, prend la Justice avec un mandat clair : restaurer la confiance dans l’État et lutter contre la corruption. Ce savant dosage traduit un équilibre fragile entre l’expérience des anciens et la nécessité d’un nouveau souffle.
Ce gouvernement naît dans un contexte politique tendu. La chute d’Andry Rajoelina, poussée par une mobilisation populaire sans précédent, a révélé l’ampleur du malaise social. Les jeunes Malgaches, fer de lance de la contestation, dénonçaient la corruption, le chômage et la mauvaise gouvernance. L’arrivée de Randrianirina, investie comme figure de la « Refondation », marque une tentative de réponse politique à ces frustrations. Mais la méfiance reste forte : pour beaucoup, ce changement de façade ne garantit pas la rupture attendue.
Le choix du nouveau Premier ministre, Herintsalama Rajaonarivelo, va dans le sens d’une stabilisation. Ancien banquier et consultant international, cet homme sans passé politique est présenté comme une figure de compétence et de neutralité. Sa nomination vise à apaiser les jeunes manifestants tout en rassurant les bailleurs de fonds. Mais sa faible notoriété et son manque d’ancrage politique pourraient freiner sa capacité à imposer son autorité face aux poids lourds du nouveau cabinet.
La jeunesse malgache, moteur des manifestations de septembre, reste sceptique. Beaucoup dénoncent une continuité déguisée, pointant la présence de « dinosaures politiques » recyclés à des postes stratégiques. « Le processus de nomination a été unilatéral, sans consultation réelle », regrette Zezika, jeune militante de la Génération Z. Dans la rue comme sur les réseaux sociaux, le mot d’ordre demeure le même : des résultats, pas des symboles.
Pour Randrianirina et son équipe, les chantiers sont immenses : relancer une économie essoufflée, réformer une administration sclérosée, restaurer la confiance des investisseurs et répondre aux exigences sociales. Le pays, encore marqué par les crises politiques successives, attend des mesures concrètes plus que des promesses. La composition du gouvernement montre la volonté d’inclusion, mais aussi la persistance des compromis politiques. Le véritable test sera celui de l’action : la refondation ne se décrète pas, elle se prouve.



