En 2024, le Mali a conservé sa place de premier client africain du Sénégal, absorbant à lui seul plus de 55 % des exportations sénégalaises vers le continent. Selon la dernière Note d’analyse du commerce extérieur publiée par les autorités sénégalaises, les ventes vers le marché malien ont atteint 802,8 milliards de francs CFA, soit une hausse de 8,6 % par rapport à 2023.
Cette progression s’est opérée dans un contexte tendu, marqué par le départ officiel du Mali de la Cédéao en janvier 2025. Ce retrait n’a pas pour autant ralenti le commerce bilatéral. Le ciment, les produits pétroliers, les soupes industrielles ou encore les conserves de poisson figurent parmi les principales marchandises exportées vers le Mali. À lui seul, ce pays a représenté près de 21 % des exportations totales du Sénégal sur l’année écoulée, illustrant une dépendance commerciale significative.
L’intensité des échanges entre Dakar et Bamako s’inscrit dans une longue tradition de coopération économique, renforcée par des complémentarités logistiques. Le port de Dakar, principal débouché maritime pour le Mali, joue un rôle central dans ce partenariat. Malgré leur sortie de la Cédéao, le Mali, le Burkina Faso et le Niger restent membres de l’UEMOA, ce qui continue de garantir un socle réglementaire commun et la libre circulation des marchandises dans cet espace monétaire et douanier.
Le maintien du commerce entre les deux pays, en dépit de la rupture politique avec la Cédéao, révèle l’importance stratégique du Sénégal comme plateforme logistique et fournisseur régional. Cette situation pourrait toutefois devenir plus fragile si l’Union économique et monétaire ouest-africaine venait elle aussi à être remise en question par les régimes de transition au pouvoir à Bamako, Ouagadougou et Niamey.
Les exportations vers le Mali ont également pesé dans la dynamique régionale plus large. En 2024, l’Afrique a absorbé 37 % des exportations sénégalaises, et le Mali y a contribué de manière décisive, notamment dans les secteurs énergétique et alimentaire. La demande malienne en carburants, en produits de première nécessité et en matériaux de construction fait du pays un client stable, en dépit d’une économie marquée par l’instabilité politique.
Ce cas met en lumière une réalité souvent ignorée : les logiques économiques et commerciales ne suivent pas toujours les lignes imposées par les alliances politiques ou les sanctions régionales. Le cas du Mali démontre que les besoins de base, les réseaux logistiques existants et les intérêts mutuels peuvent l’emporter sur les dynamiques institutionnelles. Le Sénégal, de son côté, reste un acteur pivot, dont la diplomatie économique semble plus pragmatique que punitive.