La Cour d’assises de Bamako a condamné ce 9 juillet Bouaré Fily Sissoko, ancienne ministre de l’Économie et des Finances, à dix ans de prison ferme pour détournement de fonds publics liés à l’achat d’un avion présidentiel et de matériels militaires. L’arrêt marque la fin d’un procès emblématique de la lutte contre la corruption au Mali, après près d’une décennie d’enquête et de rebondissements.
Outre Bouaré Sissoko, le colonel-major Nouhoum Dabitao a été reconnu coupable et écopé de sept ans de prison. Deux autres accusés, le général Moustapha Drabo et l’ancien ministre Mahamadou Camara, ont en revanche été acquittés, la Cour évoquant l’insuffisance des preuves à leur encontre. Le tribunal a aussi infligé des amendes allant de 300 000 à 500 000 francs CFA aux principaux condamnés, tandis que cinq coaccusés, jugés par contumace, demeurent en fuite à l’étranger.
Le procès portait sur des marchés publics conclus entre 2013 et 2014, pour un montant total dépassant 88 milliards de francs CFA, dont 28,5 milliards pour l’acquisition controversée d’un Boeing présidentiel et 69 milliards pour des contrats d’équipement militaire. À l’époque, le régime d’Ibrahim Boubacar Keïta justifiait ces dépenses par des impératifs de sécurité et de diplomatie. Mais rapidement, des soupçons de surfacturation et de détournement ont provoqué un tollé, poussant le FMI et la Banque mondiale à suspendre leur appui budgétaire au pays.
L’affaire avait éclaté au grand jour en 2014, dans un contexte de fragilité économique. Le scandale avait non seulement jeté le discrédit sur le gouvernement IBK, mais aussi fragilisé les finances publiques, les contrats incriminés représentant près de 2 % du PIB malien. Les premières enquêtes avaient révélé un montage financier opaque, mêlant cabinets privés, hauts fonctionnaires et intermédiaires internationaux.
L’instruction, ouverte peu après les premières révélations, a été longue et semée d’embûches : retards, refus de coopération, problèmes médicaux… Le dossier a également été marqué par le décès en détention de l’ancien Premier ministre Soumeylou Boubèye Maïga en 2022, coaccusé dans le dossier. Quant à Bouaré Sissoko, arrêtée en 2021, elle a été incarcérée sans interruption malgré ses requêtes pour une mise en liberté provisoire.
Ce procès, salué par le ministère public comme un « signal fort » contre l’impunité, a une portée politique indéniable. Il intervient dans un contexte où les autorités de transition affirment vouloir assainir la gestion publique. Pour autant, plusieurs analystes s’interrogent sur l’indépendance réelle de la justice dans une affaire aussi sensible, certains y voyant un règlement de comptes ciblé plutôt qu’un tournant structurel.
La justice malienne reste encore attendue sur d’autres dossiers de corruption. Mais le verdict dans l’affaire du Boeing présidentiel marque un précédent : pour la première fois, une haute responsable économique est condamnée pour sa gestion de fonds publics. Reste à voir si cette décision fera jurisprudence ou restera un cas isolé.