En Guinée, un nouveau report du procès des massacres du 28 septembre 2009, a été renvoyé à lundi prochain, le 19 décembre. Au deuxième jour de sa comparution, Moussa Dadis Camara a perdu sa voix. Après son monologue de lundi 12 décembre, l’ancien chef de la junte militaire au pouvoir avait commencé à répondre ce mardi aux questions du président du tribunal et du parquet. Il affirme n’avoir donné « aucun ordre à qui que ce soit » le jour des tueries qui ont fait au moins 157 morts au stade de Conakry.
Depuis environ 10h du matin, Moussa Dadis Camara répond aux questions qui lui sont posées au tribunal. « Étiez-vous informé de l’organisation de la manifestation du 28 septembre 2009 ? », demande le président du tribunal. « Oui », répond Moussa Dadis Camara, qui affirme avoir appelé l’un des leaders de l’opposition, Sidya Touré, à une heure du matin, le 28 septembre 2009, pour lui demander de reporter le meeting : « Il a dit que ce n’était pas possible. La ligne s’est coupée et j’ai repris mon sommeil », répond l’ancien chef de la junte.
Ensuite, « à quel moment avez-vous été informé de la tenue de la manifestation ? », poursuit le président du tribunal. « On m’a réveillé vers 10 heures du matin pour me dire que la manifestation a lieu », répond Moussa Dadis Camara. « J’ai voulu aller au stade, mais les militaires dont Toumba m’en ont dissuadé ». L’ancien président de la transition réaffirme donc qu’Aboubacar Sidiki Diakité, alias Toumba, son ancien aide de camp, s’est rendu au stade, ainsi que le colonel Tiégboro Camara, ancien patron des services spéciaux. « Mais je n’ai pas donné l’ordre à qui que ce soit d’y aller », assure Moussa Dadis Camara au procureur, qui a pris le relai de l’interrogatoire d’une voix très calme.
Aboubacar Sidiki Diakité, alias « Toumba », l’avait accusé précédemment d’avoir préparé les massacres. « C’est archi-faux, ce n’est pas la vérité » répond Moussa Dadis Camara au procureur, qu’il qualifie « d’Empereur des poursuites ».
« Il n’a pas changé »
Dans une salle d’audience plus clairsemée que lundi, le président du tribunal est intervenu plusieurs fois pour demander à Moussa Dadis Camara de répondre simplement aux questions. Puis, c’est donc l’extinction de voix. Moussa Dadis Camara « n’est pas audible », « en l’état actuel, il n’est pas à même de pouvoir continuer », affirme l’un de ses avocats à la reprise de l’audience en début d’après-midi.
La défense a demandé un renvoi du procès pour que l’accusé puisse « prendre du repos et de revenir en forme ». « M. Dadis Camara est victime d’un acharnement. Aujourd’hui, on lui en veut uniquement pour avoir été chef de l’État à l’époque des faits. Il a voulu continuer à se prêter aux questions du ministère public, c’est parce qu’il était dans une impossibilité absolue que ce renvoi a été demandé », a déclaré Me Pépé Antoine Lama, l’un de ses avocats.
« Treize ans après, il n’a pas changé », affirme une observatrice dans le tribunal. Elle se souvient des longs discours de Moussa Dadis Camara à la télévision nationale lorsqu’il était au pouvoir, ce qu’on appelait en Guinée à l’époque « les Dadis show ».
Après une journée et demi de comparution de l’ancien chef de la junte, Me Alpha Amadou DS Bah, du collectif des avocats des parties civiles, dit, lui, rester sur sa faim: « Malheureusement, il a voulu créer la diversion en se focalisant sur des aspects qui n’ont rien à voir avec le dossier. Les éléments qui étaient dans sa garde rapprochée se sont effectivement rendus au stade. Ils n’ont jamais été recherchés, ni punis, après les évènements, donc cela sous-entend, explique, l’ordre reçu de Moussa Damis Camara pour aller perpétrer ces évènements ».
Après Moussa Dadis Camara, deux autres accusés doivent encore comparaître. Le tribunal donnera ensuite la parole aux victimes.