Depuis début juin, l’île Maurice est secouée par une contestation sociale d’ampleur inédite. En cause : le relèvement progressif de l’âge de la retraite de 60 à 65 ans, une décision du gouvernement qui a immédiatement suscité la colère des syndicats, des fonctionnaires et de la société civile. Ce lundi 14 juillet, les artisans ont observé une « journée morte » à Port-Louis pour exprimer leur opposition.
La réforme, annoncée par les autorités comme une nécessité budgétaire, est vécue comme une attaque contre un acquis historique : la pension universelle. Depuis 1958, cette allocation est versée à tous les Mauriciens de plus de 60 ans, sans conditions de ressources ni cotisations préalables. Elle représente actuellement environ 15 000 roupies (290 euros), soit près des trois quarts du salaire minimum national. Pour Bruneau Laurette, figure de la mobilisation, « ce n’est qu’un échauffement » : les protestataires entendent défendre un droit qu’ils estiment inaliénable.
La pension universelle mauricienne a été instaurée bien avant l’indépendance du pays, comme un pilier de solidarité nationale. Elle a toujours été considérée comme un droit fondamental, notamment pour les travailleurs les plus précaires, qui n’ont jamais pu se constituer de retraite contributive. Pour beaucoup, le recul de l’âge d’accès à cette aide équivaut à un affaiblissement de l’État-providence. Selon Radhakrishna Sadien, représentant des fonctionnaires, « on commence à démanteler un modèle social qui faisait la fierté du pays ».
Face à la fronde, le Premier ministre tente de justifier la réforme en invoquant la pression croissante sur les finances publiques. Les pensions représentent aujourd’hui 26 % des dépenses de l’État, soit plus que les budgets cumulés de l’Éducation, de la Santé et du Logement. Le vieillissement rapide de la population accentue cette charge, avec une part croissante de retraités dans la population active. Pour les autorités, ne rien faire reviendrait à fragiliser l’ensemble du système.
Les syndicats et les organisations citoyennes, eux, ne contestent pas la réalité des contraintes financières. Mais ils accusent le gouvernement de faire porter l’effort uniquement sur les plus vulnérables. Plusieurs pistes sont évoquées par les manifestants : lutte contre la fraude fiscale, réforme des niches fiscales, ou encore taxation des grandes entreprises. Autant de leviers que le pouvoir semble ignorer, préférant, selon eux, sacrifier un droit social au nom de l’équilibre budgétaire.
Les manifestations se poursuivent et pourraient s’intensifier dans les semaines à venir. Les syndicats promettent de nouvelles journées de mobilisation, tandis que des voix s’élèvent pour demander un référendum sur la question. Au-delà de la réforme des retraites, c’est un rapport plus large à la justice sociale, à la solidarité et au contrat social qui se joue à Maurice. Le gouvernement saura-t-il entendre la rue ? Rien n’est moins sûr.